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subside nécessaire pour réparer les chemins, je ne fais autre chose que de proposer au gouvernement de dépenser 100 pistoles par an pour en recueillir plus de 800. Ce qui augmente le prix des marchandises, ce sont les frais de transport. Or, si les chemins étaient aussi commodes en temps de pluie qu’en temps sec, si par des zigzags et des tournans on avait rendu plus faciles les montées et les descentes, si par des pavés on avait remédié aux trous et aux ornières qui se font dans les terres grasses ou marécageuses, chaque cheval porterait en hiver autant qu’en été, c’est-à-dire environ un quart de plus, et ferait un quart plus de chemin dans le même espace de temps. De même, s’il y avait plus de ponts, on abrégerait fort le chemin. » Il calculait ce que l’élection de Valognes, où il était né, perdait tous les ans par le défaut de bons chemins. En étendant ce calcul à toute la France, il estimait qu’une avance annuelle de 5 millions de livres ferait gagner au royaume entier 44 millions par an. L’argent étant alors à 29 livres le marc, il faut doubler ces chiffres pour avoir la valeur actuelle. C’était sans doute bien peu qu’un subside annuel de 10 millions pour toute la France, mais c’était beaucoup que de commencer. Le projet pour l’amélioration des chemins fut en partie exécuté dès la seconde moitié du siècle. La France possédait en 1789 8,000 lieues de chemins, la plupart créés depuis 1750.

On peut en dire autant du Mémoire sur l’utilité des dénombremens. Rien n’était encore organisé à cette époque pour connaître l’état et le mouvement de la population, la mesure exacte du territoire, l’étendue et le produit des cultures, la quantité des importations et des exportations. On en était réduit aux conjectures. « Notre politique, disait l’abbé, est encore dans l’enfance, puisque nous en sommes à dire que nos ministres, chacun dans leur département, devraient avoir soin de procurer au public des renseignemens exacts de tout ce qui entre dans la science du gouvernement. L’académie politique devrait être chargée de ce soin. Il faut que plusieurs de ces dénombremens soient imprimés au moins tous les cinq ans, afin que, tombant entre les mains des politiques spéculatifs, ils puissent en faire des combinaisons utiles au bien public. Il serait facile à un intendant de savoir combien, année commune, il croît de différens blés dans chaque paroisse de son intendance, et cela par les dîmes, et combien d’habitans. Nous voyons que le parlement d’Angleterre demande souvent les dénombremens de telles ou telles marchandises qui entrent ou qui sortent du royaume en telles ou telles années, et c’est sur ces fondemens solides qu’ils font les règlemens utiles au commerce de la nation. » Ces considérations portèrent encore leurs fruits. On peut juger du progrès