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et les correspondances du XVIIIe siècle, et qui, dans des conditions de fortune assez modestes, a été le centre d’une société choisie, il semble qu’une telle femme devrait être aussi connue que les autres dames notables du XVIIIe siècle, et cependant il n’en est rien. Les quelques citations que nous venons de faire représentent presque tout ce que l’on sait sur la comtesse de Rochefort. Le recueil de pensées et d’opuscules sortis de sa plume, imprimé en 1784 pour ses amis par le duc de Nivernois, fut tiré à un si petit nombre d’exemplaires qu’il est devenu excessivement rare, on ne le trouve même pas à la Bibliothèque impériale, et il nous a été plus facile de nous procurer le manuscrit qui a servi à l’impression du livre que le livre lui-même[1]. Dans un temps enfin où la littérature épistolaire s’est enrichie d’un si grand nombre de pages écrites par les dames du XVIIIe siècle, il n’a pas encore été publié, croyons-nous, une seule lettre de la comtesse de Rochefort.

Cette pénurie de documens sur une personne dont on a parlé assez pour exciter la curiosité du public et pas assez pour la satisfaire nous fait espérer qu’on ne lira pas sans intérêt sur Mme de Rochefort des détails nouveaux puisés surtout dans une correspondance inédite entre elle et quelques amis. Cette correspondance manuscrite, que le duc de Nivernois ne savait pas avoir été conservée quand il publia en 1784 le petit volume dont nous venons de parler, et dans laquelle il figure pourtant lui-même, est bien plus propre encore que le volume en question à nous faire apprécier l’esprit et le caractère de sa seconde femme ; on y trouve un grand nombre de lettres d’elle écrites au courant de la plume, sans aucune prévision de publicité et avec des indications qui sont de nature à mettre en lumière certaines nuances curieuses de la vie. intellectuelle, morale et sociale des hautes classes au XVIIIe siècle. Toutefois, comme cette série de lettres, qui commence en 1757, s’applique principalement à la seconde partie de la vie de Mme de Rochefort, nous devons d’abord réunir ici tous les renseignemens que nous avons pu recueillir sur la première.


I

Marie-Thérèse de Brancas appartenait à une famille d’origine étrangère, mais qui depuis deux siècles avait déjà conquis un rang élevé parmi la noblesse française. Les Brancas (Brancaci), originaires

  1. Nous devons la communication de ce manuscrit à la gracieuse obligeance de Mme la duchesse de Noailles, arrière-petite-fille du duc de Nivernois. Il est intitulé Opuscules de divers genres, par Mme la comtesse de Rochefort, depuis duchesse de Nivernois.