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développe complètement enfouie dans le sol, et présente d’abord l’apparence d’un tubercule blanchâtre et dépourvu de parfum. C’est, sous nos climats, vers le mois de novembre qu’elle atteint sa maturité. Elle prend alors une teinte brune, et acquiert ce délicieux arôme et cette saveur agréable qui lui donnent tant de prix. On ne savait trop à quoi attribuer cette heureuse et caractéristique métamorphose. C’est à M. Tulasne, dont nous aurons plus d’une fois à prononcer le nom dans cette étude, qu’en est due l’explication récente. Il a constaté que le tissu cellulaire blanchâtre de la truffe se remplit au moment de la maturité de sporanges renfermant des spores odorantes et brunes qui communiquent à la masse leur parfum et leur nuance. C’est également M. Tulasne qui a levé les derniers doutes sur la nature de cette cryptogame. Les botanistes s’ingéniaient en vain depuis longtemps à imaginer des explications plausibles de l’existence de ce singulier fruit souterrain dont on n’avait su jusque-là découvrir la liaison avec aucun organisme végétal. Une hypothèse qui fit quelque bruit consistait à le considérer comme une excroissance développée sur les radicelles de certaines espèces de chêne par la piqûre d’un cynips, la tipule truffigène. La tipule existe en effet, et même peut déterminer sur les racines des arbres des excroissances où se logent ses larves ; mais le titre de truffigène dont on l’a décorée n’est pas mérité le moins du monde, et les galles qu’elle produit, analogues à la noix de galle d’Orient, si connue ides teinturiers, ne sont nullement comestibles.

Un mémoire présenté à l’Académie des Sciences, consacré par un rapport favorable de MM. De Jussieu et Brongniart, complété depuis par les découvertes de MM. Person, Fries et Vittadini de Milan, a fait justice de cette hypothèse et de toutes celles qui l’avaient précédée et suivie. Ce mémoire est de MM. Louis René, et Charles Tulasne. Il met hors de doute ce fait important que les truffes sont une cryptogame analogue aux champignons, dont elles rappellent l’odeur. Elles sont comme ceux-ci la fructification d’un végétal particulier, d’un mycélium apparaissant sous forme de filamens blanchâtres et souterrains. Ces filamens, aperçus par M. Tulasne dans le sol des truffières du Poitou, sont beaucoup plus déliés que des fils à coudre ordinaires et composés de fibrilles microscopiques cloisonnées ayant chacune de 3 à 5 millièmes de millimètre de diamètre. Ces filamens se terminent en une houppe floconneuse qui revêt les jeunes truffes d’une sorte de feutrage léger. Cette enveloppe floche et qui a quelques millimètres d’épaisseur commence