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pièces d’outillage, les objets de tout genre fabriqués dans l’intérieur de l’établissement. Il nous plaît encore de l’admettre. Eh bien ! l’injustice même de l’opinion publique (en concédant qu’il y ait eu injustice) n’est-elle pas la preuve la plus claire de l’imprudence qu’on a commise en confiant à une communauté religieuse la direction d’un établissement de ce genre ? N’était-il pas à prévoir que ces accusations ou d’autres accusations du même genre se produiraient tôt ou tard ? N’était-il pas aisé de comprendre que ces accusations seraient bien plus vives et auraient des conséquences bien plus graves, si elles portaient sur une communauté religieuse au lieu de tomber sur un personnel laïque ? Des hommes de gouvernement, des hommes habitués aux affaires, pouvaient-ils se faire illusion sur ce point, et ne devaient-ils pas éviter d’ajouter une nouvelle cause d’irritation à toutes celles qui ne pouvaient manquer d’amener une réaction violente contre la domination longtemps exercée sur la colonie par le parti ultramontain, allié à l’administration ?

M. Charles Desbassyns est mort, et M. Desprez est rentré en France. Eux disparus, leur parti s’est trouvé en quelque sorte décapité. Ils ont eu cependant des successeurs, mais qui ne sauraient leur être comparés. M. Maupoint, l’évêque actuel de Saint-Denis, n’a ni l’activité ni l’ardeur de M. Desprez. Quant à M. Charles Desbassyns, son empire, comme celui d’Alexandre, a été partagé. Les lambeaux en ont été recueillis par ses deux neveux, MM. Frédéric et Paul de Villèle, par un autre de ses neveux, M. Bellier de Villentroy, président de la cour impériale, et enfin par un notaire, membre du conseil-général, allié à la famille Bellier de Villentroy, M. François Mottet. Sous leur direction, le parti a promptement décliné. Battu en brèche par une impopularité croissante, il perdait de jour en jour de son influence, non-seulement dans le pays, mais même dans le conseil-général nommé par l’administration, même dans le conseil privé, même auprès du gouverneur ; mais il avait pour lui l’homme qui était, bien plus que le gouverneur, le vrai chef de l’administration coloniale : nous voulons parler du directeur de l’intérieur, M. Charles Gaudin de Lagrange.

M. de Lagrange, en ce moment l’objet de tant d’accusations, les unes fondées, les autres probablement injustes ou exagérées, n’est point dépourvu de tout mérite. Il a quelques-unes des qualités que l’on demande ordinairement en France à un administrateur, plus de surface que de profondeur, plus de connaissances de détail que de vues d’ensemble, plus d’opiniâtreté que de décision. Avec des qualités de cet ordre, il aurait pu être utile au second rang. Malheureusement il s’est trouvé placé au premier dans une crise