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Tout est donc fini sur ce point du macinato, et déjà l’on entrevoit à l’horizon quelque discussion nouvelle sur Rome, lorsque le général Ménabréa, comme il vient de le promettre, aura communiqué aux chambres des documens diplomatiques destinés à compléter ceux de notre livre jaune ; mais les Italiens qui ont quelque sens réfléchiront sans doute, et s’apercevront que ce n’est pas le moment de trop parler de Rome à Florence, lorsque l’empereur n’en a rien dit à Paris dans son dernier discours à l’ouverture des chambres. D’ici à peu de temps, bien des choses peuvent se passer ; les élections françaises seront faites, le concile qui va se réunir à Rome ne laissera pas de nous donner de l’embarras, et là force des circonstances plus que toutes les discussions peut se charger de trouver le modus vivendi qui a déjà provoqué tant de dépêches inutiles. Et voilà pourquoi il n’est pas probable que le ministère ait beaucoup à faire pour défendre sa politique de patiente temporisation, à laquelle on serait d’ailleurs bien embarrassé de substituer une autre politique.

La garantie souveraine et le bienfait d’une vraie monarchie constitutionnelle, c’est l’intime union de l’intérêt national et de l’intérêt dynastique, et c’est plus particulièrement peut-être dans les momens de deuil que cette union, gage de la sécurité d’un pays, laisse voir ce qu’elle a de viril et de généreux. La Belgique fait aujourd’hui cette expérience ; elle vient de perdre son jeune prince royal, l’unique héritier direct de la couronne. Pendant dix mois, ce pauvre être fait pour régner et qui n’était pas même sûr de vivre a souffert d’insupportables douleurs ; il a passé par une longue agonie, offrant le spectacle de la fragilité des espérances humaines et de la résistance qu’un petit corps peut offrir à l’inexorable destruction. Il a fini par succomber, et la Belgique s’associe avec une simple et naïve effusion à cette douleur royale, parce qu’elle sent que c’est son affaire, à elle aussi. Libéraux et catholiques, tous les partis se sont confondus dans une même émotion, dans un même regret. Il y a quelque chose de touchant dans la sincérité de ce deuil populaire entourant une tombe où vient de disparaître un enfant. La Belgique est bien petite, elle peut cependant servir d’exemple à de plus grands qu’elle. Pourquoi sont-ils entourés de l’affection publique, ces princes belges ? pourquoi semblent-ils si bien assurés sur leur trône ? Parce qu’il ne leur vient pas même à la pensée de marchander un droit, une garantie au pays, parce qu’ils sont complètement identifiés avec la nation. C’est dans un petit, cadre le modèle de la monarchie se conciliant avec les libertés les plus larges. Les partis s’agitent, toutes les libertés se déploient, la royauté reste paisible et intacte, gardienne des institutions populaires, et dans ses deuils comme dans ses joies elle a le pays auprès d’elle. Il y a quelques années, c’était l’aïeul prudent et habile de la dynastie qui s’en allait. Aujourd’hui ce n’est pas pour son passé qu’on pouvait aimer le jeune prince qui vient de mourir, il n’avait