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conséquences terribles qu’elle pouvait entraîner, et en donnèrent avis au prince des Serbes.

Le commissaire impérial qui apportait la réponse du divan venait d’arriver en Serbie. — Partout, sur l’ordre de Milosch, on lui fit un accueil empressé. Le prince lui-même courut à sa rencontre, l’accompagna une partie de la route, et promit de le rejoindre à Belgrade. C’était le moment que les spahis attendaient pour assassiner leur ennemi. Milosch, averti à temps, s’établit aux environs de la ville avec une petite armée ; outre les knèzes et les kmètes qui l’escortaient par honneur, un grand nombre de Serbes étaient accourus en armes pour défendre sa vie, qu’on disait menacée. Maraschli, un peu inquiet, le fit prier de ne pas introduire une telle foule dans les murs de Belgrade ; comment loger et nourrir un si grand nombre d’hôtes sur lesquels on ne comptait pas ? Milosch répondit simplement : « J’entrerai avec mon escorte ou je n’entrerai point. » C’était dire au pacha que ses complots lui étaient connus. Alors le pacha eut peur, des rapports bien exagérés lui affirmaient que l’escorte de Milosch montait à 10,000 hommes, il craignit que les Serbes, irrités de ses mauvais desseins et y voyant une cause de guerre, ne vinssent mettre le feu à Belgrade. Maraschli n’était plus si pressé de voir arriver Milosch. On convint que son frère Jovan le remplacerait. Ce fut donc Jovan qui, accompagné de 200 knèzes, entendit chez le pacha la lecture du firman impérial. Aux regards sinistres des Turcs, à l’accueil équivoque du pacha, ils virent bien que le danger était sérieux pour Milosch, s’il fût entré sans défiance.

Les dispositions du firman se résumaient ainsi : 1° le commissaire impérial, d’accord avec les knèzes, fixera le tribut payable à la Porte ; 2° il n’y aura plus de mussélims que dans les forteresses de la frontière autrichienne, tout le reste du pays sera enlevé à leur juridiction ; 3° Milosch aura le titre de premier knèze, les Serbes demeureront comme leurs ancêtres les raïas du sultan, et seront tenus de fournir le nécessaire aux troupes impériales, soit qu’elles traversent le pays, soit qu’elles tiennent garnison dans les forteresses ; 4° ce firman ne sera remis aux Serbes qu’à la condition pour eux de déclarer par écrit qu’ils sont satisfaits, et renoncent à toute autre prétention dans l’avenir. — Jovan et les knèzes n’ayant pas qualité pour accepter de telles conditions, il fallut que le commissaire turc vînt trouver Milosch à Topchidéré. Dès que le prince des Serbes eut entendu les dernières lignes, il dit sans hésiter : « Je remercie le sultan de ses concessions ; quant à déclarer que nous sommes satisfaits, et que nous ne demanderons plus rien, je ne le puis. Un peuple a toujours le droit de faire connaître ses vœux à Dieu et à son souverain ; il est étrange et cruel de vouloir qu’il y