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tenus par la France, et le traitement royal de ses ambassadeurs, dignité vivement recherchée jusque-là par la maison de Savoie. Ces offres étaient séduisantes, mais elles ne lui parurent pas pour le moment appuyées par des troupes assez nombreuses en Italie. Il y concentra les siennes en dégarnissant la Savoie, qu’il n’avait pas l’espoir de défendre en cas de rupture, et cette circonstance explique pourquoi les vaudois n’y rencontrèrent pas un soldat. Enfin, à mesure que la pensée d’une adhésion à la coalition d’Augsbourg mûrissait dans son esprit sous la pression de Louis XIV, il faisait aux vaudois ces avances qu’Henri Arnaud repoussa avec tant d’imprévoyance. Cette lenteur à comprendre faillit causer la ruine des derniers défenseurs de l’Israël des Alpes.

Ils s’étaient retranchés à la Balsille, sur cette montagne indiquée par les instructions de Janavel comme le dernier asile de l’indépendance et de la foi vaudoises. Elle est située au couchant de la vallée de Saint-Martin, et s’élève par gradins de rochers superposés qui forment autant de bastions naturels tournés contre la vallée. De l’autre côté, elle se relie à la chaîne centrale des Alpes par des précipices et des escarpemens qui ne peuvent servir de passage qu’au chamois et au bouquetin. Au mois de mai 1690, une armée française descendit sur le versant italien, sous la conduite de Catinat ; elle avait mission d’en finir avec les bandits des Alpes et d’imposer à Victor-Amédée II les prétentions que l’on sait. Une lettre d’un officier savoyard rend compte du premier assaut donné à la montagne par une division française. « Je n’ai que le temps de vous dire que les Français ont inutilement attaqué le fort de la Balsille, et qu’ils ont été obligés de se retirer après avoir perdu 150 soldats, 3 capitaines, des subalternes et quelques blessés, entre autres 1 colonel et 1 lieutenant-colonel, qui a été fait prisonnier avec les deux sergens restés auprès de lui pour le secourir. Ce lieutenant-colonel a été fort surpris de trouver dans le fort dix-neuf ou vingt officiers à galons or et argent, qui l’ont traité en gens de guerre et fort humainement, jusqu’à lui permettre d’envoyer quérir le chirurgien-major de son régiment et tout ce qui pouvait lui être nécessaire. » Ce premier échec ne ralentit pas les travaux d’attaque, car il fallait détruire à tout prix ce nid de barbets, selon le mot du marquis de Feuquières, ambassadeur de France à Turin, qui vint prendre lui-même le commandement du siège sous les ordres de Catinat. Cinq corps d’attaque se forment autour de la montagne ; chaque soldat est accompagné d’un pionnier portant une fascine, un sac de laine ou de terre pour se mettre à l’abri des balles vaudoises ; sur les hauteurs voisines du Gugnivert, on hissa du canon à la force des bras et des épaules. Enfin, quand tout fut près pour l’assaut, on cria aux assiégés, à l’aide d’un