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devant les membres du concile national sous la forme nette et positive qu’afin de mieux préciser le débat l’archevêque de Malines s’est plu à lui donner. Si le chef de l’empire songeait en effet à se procurer au moyen d’une combinaison léonine la faculté de garder la haute main, le rôle prépondérant et le dernier mot dans le choix des évêques, il ne marchait vers ce résultat si désiré que par une voie extrêmement détournée. Malgré ce que ses ennemis ont pu avancer, il faut reconnaître que Napoléon était loin alors de vouloir revendiquer directement pour lui-même un droit d’institution canonique semblable à celui qu’exerce par exemple, sans contestation de la part du clergé anglican, le souverain de la Grande-Bretagne. Il savait parfaitement que cette prétention, s’il l’eût mise en avant, aurait aussitôt constitué en France un véritable schisme. De schisme, il n’en voulait point. Si chez lui l’homme était indifférent en matière religieuse, le politique avait la plus grande répugnance à se laisser acculer à une pareille extrémité : tous les dangers en apparaissaient trop bien à son clairvoyant esprit. La menace de se faire protestant, menace à laquelle il recourut si souvent pour intimider tantôt le saint-père et tantôt les membres du clergé français, n’était de sa part qu’une feinte. L’effet, à la vérité, en fut presque toujours immédiat. Les assertions superbes si souvent et si complaisamment développées devant les ecclésiastiques de son entourage n’avaient d’autre but que de leur donner à réfléchir. Lorsqu’il proclamait avec tant de hauteur que, s’il voulait rompre avec le saint-siège, le pays, son clergé en tête, passerait tout entier de son côté, il sentait bien au fond du cœur qu’il n’en serait rien. Il n’ignorait pas qu’il eût risqué de n’avoir même pas avec lui les philosophes de son conseil d’état, dont il se servait comme d’épouvantail pour effrayer les catholiques, mais qui avaient, somme toute, trop peu de foi et trop de bon sens pour se mettre, en l’an de grâce 1811, à la remorque d’un nouvel Henri VIII.

Ajoutons, afin d’être juste, qu’à l’exception de l’abbé de Pradt, qui n’avait rien d’un prêtre en toute sa personne, et sur lequel il aurait peut-être eu tort de trop compter, pas un seul des prélats alors enrôlés avec plus ou moins de zèle ou de prévoyance dans son parti n’eût aveuglément suivi l’empereur le jour où il aurait été question de se séparer du chef de la catholicité. Nombre de fois, avec l’exagération propre à l’esprit de parti, les prélats opposans de 1811 ont durement reproché à leurs adversaires d’avoir penché vers le schisme. Cette accusation n’est pas fondée. Une partialité involontaire à l’égard du pouvoir civil, quel qu’il fût, une confiance irréfléchie dans l’empereur, une appréciation erronée, quoique consciencieuse, des circonstances, trop d’effroi au sujet des périls de