Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/950

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

discutées depuis. Il n’échappera pourtant pas à nos lecteurs que la théorie développée par M. de Pradt, théorie qu’ils verront se produire incessamment dans les délibérations intérieures de la commission du message, reposait sur une hypothèse gratuite. Quoique contraire aux traditions catholiques, elle eût peut-être été justifiable suivant la raison, si le saint-père avait refusé l’institution canonique aux évêques, et s’était servi de ce refus comme d’une arme pour recouvrer la couronne temporelle dont il avait été dépossédé. En réalité, la question ne se posa point ainsi entre Pie VII et Napoléon. Jamais le pape pendant qu’il était prisonnier à Savone, jamais ses plus chauds défenseurs durant la tenue du concile, ne professèrent dogmatiquement la doctrine de la nécessité du pouvoir temporel des papes. Sur ce sujet, par un tacite accord, le silence le plus absolu fut gardé de part et d’autre. Pie VII se bornait à déclarer que, dépourvu de ses conseillers naturels, les membres du sacré-collège, privé de communications avec le clergé de France et de toute espèce de moyens d’information sur l’aptitude des sujets proposés, il ne se sentait pas en état de leur donner avec une suffisante sûreté de conscience l’institution canonique. Au refus ainsi motivé du pape, il n’y avait rien à répondre. C’était une singulière prétention de la part de l’empereur que de vouloir faire surgir pour lui un droit nouveau, et jusqu’alors refusé à tous les souverains catholiques, de cette prétendue nécessité des temps qu’il avait créée de ses propres mains. Il se jouait de l’honnêteté et du bon sens alors que, de la captivité et de l’isolement où il tenait le chef de l’église, il s’efforçait de déduire le privilège inouï de se passer de l’assentiment du saint-siège pour donner régulièrement des évêques aux sièges vacans de son empire. Quant à la prétendue conformité de principes et d’intérêts qui, selon l’abbé de Pradt, aurait lié la cause de Napoléon à celle des autres têtes couronnées, est-il besoin de faire remarquer que ses affirmations à cet égard n’avaient pas le moindre fondement ? Les princes catholiques du continent, ceux du globe entier, les Irlandais, sujets de la monarchique et protestante Angleterre, aussi bien que les citoyens républicains de la Suisse ou des États-Unis qui professaient la foi romaine, détestaient tous également l’oppression sous laquelle gémissait le chef de leur église, et ne se sentaient à aucun degré intéressés dans la déplorable controverse inopinément soulevée à propos de l’institution des évêques. Loin de ressentir sur ce point aucune sympathie pour Napoléon, ils souffraient tous, quoique des raisons diverses ne leur permissent pas d’en rien témoigner, des entraves mises chez eux par les violences impériales au gouvernement des affaires religieuses.

Hâtons-nous toutefois de le dire, la question ne se présentait pas