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et les faits eux-mêmes ne leur semblaient pas difficiles à réfuter. Quand la lecture en fut terminée, les membres de la majorité firent observer que « ces messieurs de la commission ecclésiastique avaient eu des mois et des mois pour s’instruire, discuter et répondre. Comment exiger qu’ils pussent, eux, répondre en huit jours à des questions de si haute importance ? — Nous perdons notre temps, ajouta l’évêque de Troyes, et jamais nous ne nous entendrons. Chaque jour on nous dit : L’empereur veut ceci, l’empereur veut cela. Comment travailler et se fixer sur des dires aussi variables ? » Les évêques de Tours et de Nantes répondaient : « Évitons d’irriter. Tout est perdu, si l’on n’accorde pas ce que veut l’empereur. C’est un cas de nécessité. » A quoi M. de Broglie et ses amis objectaient : « La question est précisément de savoir s’il y a, oui ou non, nécessité. Il faut poser cette question, la résoudre, et puis s’y tenir. Nous pensons que, messeigneurs de Tours, de Nantes et de Trêves ayant rapporté de leur députation à Savone la nouvelle consolante que le pape n’est pas éloigné d’accorder les bulles, il convient de commencer par envoyer une nouvelle députation au souverain pontife, afin de le prier de vouloir bien confirmer la promesse déjà faite. Point de doute, d’après ces messieurs, que sa sainteté ne la confirme. Alors tout est sauvé. — Mais, reprenaient le cardinal Fesch et les trois évêques envoyés à Savone, l’empereur exige un décret du concile avant de consentir à l’envoi de la députation. — C’est le vrai moyen de tout faire manquer, s’écria l’évêque de Tournai, car c’est exactement comme si nous disions au pape : La bourse ou la vie ; donnez les bulles, ou nous nous passerons de vous. — Sur quoi le cardinal Fesch, prenant à son tour la parole : Il n’est pas d’effort, assurait-il, que nous n’ayons fait, ces messieurs et moi, pour engager sa majesté à consentir à la députation avant que la question ne fût discutée dans la commission et dans le concile ; tous nos efforts ont été complètement infructueux. — Il faut les renouveler, reprenaient les évêques opposans, et ne rien omettre pour parvenir à un résultat si désirable[1]. »

Avec un accord qui n’avait rien de concerté, les membres de la majorité de la commission déclaraient qu’ils étaient persuadés que jamais le concile ne se reconnaîtrait compétent pour changer, quant aux bulles, la discipline ecclésiastique. Ils en donnaient comme preuve ce qui s’était passé au sujet de l’adresse. Voter le décret avant l’envoi de la députation, c’était renverser l’ordre naturel des choses. La discussion menaçait de ne point avancer d’un pas. Prenant enfin courage, l’évêque de Nantes, malgré les protestations

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.