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réitérées de M. de Broglie, finit par annoncer à ses collègues qu’il était chargé d’adresser à la commission deux questions sur lesquelles l’empereur voulait qu’on délibérât immédiatement ; les réponses seraient remises à Napoléon avant d’avoir été communiquées au concile. Les deux questions étaient les suivantes : « 1° le concordat étant déclaré aboli par l’empereur, le concile se croit-il compétent pour prononcer sur la matière de l’institution canonique sans l’intervention du pape ? 2° l’empereur désire que le concile lui demande le rétablissement du concordat avec condition d’y insérer une clause qui prévienne désormais tout refus arbitraire de la part des papes. Dans ce cas, l’empereur permettra qu’il soit envoyé au pape une députation composée d’un certain nombre d’évêques chargés de lui porter le décret du concile. Si le pape y adhère, tout sera terminé à la satisfaction de l’empereur. S’il s’y refuse, le droit de donner l’institution canonique aux évêques sera provisoirement et jusqu’à décision d’un concile œcuménique dévolu aux métropolitains en vertu du décret du concile. » La lecture de ces deux propositions, qui parurent à la majorité passablement vagues et remplies de contradictions, mit fin à la première séance. On possédait désormais, grâce à l’initiative de M. Duvoisin, une base de discussion, et dès le lendemain le débat fut entamé par l’archevêque de Bordeaux.

M. d’Aviau s’efforça d’abord de prouver par l’histoire de l’église gallicane que plus d’une fois les assemblées du clergé avaient eu à discuter en France des doctrines semblables à celles qui résultaient de la première des propositions de l’empereur. Jamais, assura-t-il, elles ne s’étaient prononcées dans le sens indiqué par l’évêque de Nantes. L’assemblée de 1682 elle-même s’était bornée à demander des bulles au pape, elle ne s’était rien permis au-delà. Ces conclusions de l’archevêque de Bordeaux n’étaient point admises par les trois évêques députés à Savone, qui les contredirent assez vivement. Alors l’évêque de Tournai lut à ses collègues un mémoire longuement motivé. Il appela l’attention des prélats qui ne pensaient pas comme lui sur le doute légitime que produirait dans l’esprit des prêtres et des fidèles toute institution canonique donnée à des évêques qui n’auraient pas été préalablement agréés par le chef de la catholicité. Il appuya beaucoup sur les anxiétés qui tortureraient les consciences, si l’on admettait pour l’épiscopat un mode de recrutement aussi inusité. Ne risquait-on pas de mettre en suspicion la validité même des sacremens conférés par les nouveaux prélats et par les prêtres placés sous leur juridiction épiscopale ? M. d’Aviau examinait ensuite la question en elle-même. Un concile national était radicalement incompétent, suivant lui, pour décréter une forme d’institution canonique si différente de celle qui était