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LES
DERNIERS MARINS
DU REGNE DE LOUIS XIV

II.
LA MARINE DE COURSE. - FORBIN ET DU GUAY-TROUIN. - L'EXPEDITION DE RIO-JANEIRO.

Si au commencement de l’année 1706 Tourville et Jean Bart, sortant de leurs tombeaux, eussent revu ces ports de France qu’ils avaient laissés si puissans et si formidables, ils auraient été frappés d’un triste spectacle. Au lieu de ces nombreuses escadres remplissant la rade, de ce mouvement perpétuel d’approvisionnemens et de service qui la couvrait d’embarcations, ils n’eussent aperçu çà et là que quelques bâtimens ou de faibles divisions de vaisseaux mal armés, mal gréés, tout meurtris encore de blessures, et ne se réparant qu’avec lenteur[1]. L’aspect d’une rade et d’un port offre à l’œil d’un marin exercé des symptômes qui ne le trompent pas et qui lui révèlent la prospérité ou la décadence de son arme. La dissémination de ces forces, l’insuffisance des ressources, cette activité pour ainsi dire tronquée, attestaient tous les résultats désastreux d’une guerre faite sans suite et sans succès. Partout régnaient la confusion et le désordre. Certaines fournitures abondaient, d’autres manquaient complètement. Les bâtimens qu’on réussissait à armer

  1. Voyez la Revue, du 1er novembre 1868.