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Deux jours après sa sortie, il rencontrait vers Ostende une flotte anglaise de plus de 40 voiles, escortée d’un gros vaisseau et de 2 frégates. Il la joint, et lui enlève 10 bâtimens richement chargés, qu’il expédie à Dunkerque. Il va ensuite faire de l’eau dans un petit port du Danemark. Le gouverneur lui dépêche un officier pour lui dire que, si l’escadre était composée de bateaux marchands, elle pourrait rester tant qu’il lui plairait, mais que, ne comprenant que des navires de guerre, elle eût à sortir sur-le-champ. Le chevalier se garde bien de violer ouvertement la neutralité du Danemark ; il fait offrir des rafraîchissemens à l’officier, le grise, et ne le renvoie à terre que lorsque les provisions sont faites. Cependant une escadre anglaise de 15 vaisseaux cherchait Forbin. Il l’apprend, lui échappe en faisant le tour de l’Écosse et de l’Islande, s’empare en route d’un navire de la compagnie hollandaise des Indes qui portait 60,000 écus d’argent monnayé avec une cargaison d’à peu près égale valeur, se tend à Brest, où il se répare pendant quelques jours, et reprend la mer.

Cette fois-ci, après avoir encore été forcé de plier devant une escadre anglaise de 12 vaisseaux qui croisait dans la Manche, il rencontre à la hauteur de Hambourg une flotte hollandaise de près de 100 voiles venant de Norvège sous l’escorte de 6 vaisseaux d’environ 50 pièces de canon chacun. Ces six bâtimens s’étant rangés en ligue pour l’attendre après avoir fait passer leur flotte marchande sous le vent, Forbin accepte aussitôt le combat. Il n’avait plus que 7 bâtimens, le huitième étant allé se radouber à Dunkerque. Hennequin et Flrançois-Cornil Bart, fils de Jean Bart, ont ordre, avec leurs frégates de 30 et de 16 canons, d’attaquer le vaisseau de l’arrière-garde des ennemis. Quatre autres de ses bâtimens doivent se choisir chacun un adversaire, et Forbin se réserve le commandant. Il laisse porter sur lui. Les soldats et les matelots sont à chaque canon en nombre suffisant pour le servir ; le reste de l’équipage, armé de fusils et de grenades, les officiers en tête, est posté sur le gaillard d’arrière et sur la dunette, les grappins sont prêts à être lancés. Malgré un feu violent de canon et de mousqueterie, Forbin aborde le vaisseau anglais, laisse tomber ses grappins, couvre de grenades et de balles le pont et les gaillards de l’ennemi, qui commence à chanceler. Alors le jeune d’Escalis se jette à bord, suivi de Forbin, qui crie à son équipage : « Allons, enfans, à l’œuvre ; » mais presque aussitôt il revient sur ses pas pour obliger tout le monde à le suivre et à soutenir ceux qui les premiers se sont lancés à l’abordage. C’est à ce moment que d’Escalis lui crie : « A moi, chevalier, nous sommes les maîtres, j’ai tué le capitaine ! » L’équipage hollandais, se voyant sans chef, se rend aussitôt.