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Pendant que les matelots étaient occupés à piller de toutes mains, M. de Tourouvre, qui avait manqué l’abordage dont il était chargé, vient se traverser sur l’avant du vaisseau de Forbin et de celui qui était pris, et à bord duquel le feu se déclare. Le vent, qui soufflait de l’arrière et qui était violent, propage rapidement l’incendie ; la position se fait critique. Forbin, ne pouvant se résoudre à couper ses mâts pour se dégager, ayant une partie de son équipage, et la meilleure, sur le vaisseau embrasé, force de voiles sur le vaisseau de M. de Tourouvre, et l’écarte, mais non sans dommage, car dans le froissement des deux navires la poupe de Tourouvre lui enlève son taille-mer et six mantelets de sabords. C’était échapper à un danger pour tomber dans un autre. L’eau entrant abondamment par ces six sabords ouverts, Forbin fait passer pour se réparer tout son équipage du côté qui n’était point endommagé ; au même instant, un vaisseau ennemi se présente. Mis dans l’alternative de vaincre ou de se noyer, Forbin offre au vent le côté malade, accroche le hollandais, et le prend à l’abordage. Il bouche alors avec des planches et des toiles goudronnées ses sabords restés ouverts, et fait le signal de ralliement. Un de ses capitaines a l’ordre d’amariner la dernière prise, mais elle est si maltraitée qu’elle coule à fond avant que cet ordre puisse être exécuté. Le premier adversaire de Forbin, qui a continué de brûler, saute à ce moment. M. de Tourouvre heureusement avait pu retirer les hommes de l’équipage de Forbin qui s’étaient élancés sur le navire ennemi. De leur côté, Hennequin et Bart avaient pris le vaisseau contre lequel on les avait lancés. Les trois autres navires de guerre hollandais et les vaisseaux marchands convoyés s’étaient échappés.

Forbin revint à Dunkerque, et se rendit immédiatement à Versailles. Il savait qu’il ne fallait pas se laisser oublier. Il obtint à grand’peine la grade d’enseigne de vaisseau pour d’Escalis. On lui promit de s’occuper prochainement de lui-même, et il repartit après avoir fait approuver ses projets. Il s’agissait d’enlever les flottes anglaise, hollandaise et hambourgeoise qui faisaient voile toutes les années pour Archangel. Après avoir attendu quelque temps les pilotes pour les mers du nord qu’il avait demandés au ministère et que celui-ci répondit enfin n’avoir pu se procurer, Forbin partit avec 6 vaisseaux et frégates, 4 barques longues et 6 petits corsaires qui voulurent partager sa fortune. Sur l’avis qu’une flotte anglaise de 80 navires, escortée par 3 vaisseaux, venait de sortir des dunes et faisait voile vers l’ouest, il se dirigea immédiatement de ce côté. Le lendemain, il la découvrit. Les 3 vaisseaux d’escorte étaient de 78 pièces de canon. MM. de Roquefeuille et de Nangis, avec leurs frégates, furent chargés d’attaquer le vaisseau de l’arrière-garde des ennemis, MM. de Hennequin et de Vesin celui de l’avant-garde,