Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cement de notre siècle, une révolution radicale de l’esprit humain, et vous ne craignez pas de dire : « Tout ce qui précède cette révolution est mort... Descartes et Leibniz appartiennent à l’histoire, aussi bien que Platon et Aristote... Leur philosophie est d’un autre temps... Elle ne peut plus répondre aux besoins nouveaux de la pensée moderne... Il faut autre chose à la pensée de notre temps[1]. » Ainsi, selon vous, tout est mort en philosophie, y compris Descartes. Ne regrettez-vous pas, monsieur, ce qu’ont d’excessif ces paroles? Ne sent-on pas déjà qu’elles impliquent quelque grande erreur ?

Quant aux théologiens, vous les repoussez tous par cette raison qu’aucun d’eux « ne s’est jamais élevé à la science ni à la critique... Ni saint Clément d’Alexandrie, ni Origène, ni saint Jérôme, ni saint Augustin, ne sont des esprits libres[2]... Dans les plus beaux livres écrits par des théologiens, par exemple dans l’Histoire des variations, de Bossuet, peut-on voir une œuvre qui ressemble à la science et à la critique[3] ? »

Vous venez, monsieur, de reprendre et de résumer cette polémique universelle et radicale en trois études publiées dans la Revue des Deux Mondes, l’une sur la Situation philosophique en France, les deux autres sur la Théologie catholique en France et sur la Crise religieuse au dix-neuvième siècle. Le tout se retrouve d’ailleurs dans votre livre intitulé la Religion. C’est à quoi j’entreprends de répondre.

Je commence par votre étude sur la situation théologique. Cette étude est, avant tout, la critique de notre méthode, non pas seulement de la nôtre en ce siècle, mais de toute la méthode théologique des chrétiens dans tous les siècles. Pour le présent, vous nous adressez ce reproche : depuis que « la théologie rencontre devant elle une science et une critique véritables[4]... nos théologiens ont-ils essayé de répondre en savans à des œuvres de science, de rétablir l’autorité des textes partout où elle était ébranlée? Nullement...[5]. Quand notre théologie oratoire voit les textes se dresser devant elle, elle passe son chemin, mais toujours la tête haute, comme si elle n’avait rien vu[6]. »

N’y a-t-il pas quelque mépris dans ces paroles et une sorte d’attaque à la bonne foi d’une classe d’hommes? Regrettons-le, mon-

  1. La Métaphysique et la Science, préface, p. XXXIV et XXXV.
  2. Revue des Deux Mondes (15 juillet 1868), p. 294.
  3. Ibid., p. 295.
  4. Ibid., p. 297.
  5. Ibid., p. 300.
  6. Ibid., p. 301.