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lions et demi[1]. Les navires apportant à Saint-Nazaire les bois et le charbon repartent presque toujours sur lest; il n’y a point de chargement à opérer. L’exception presque unique qu’on puisse citer est plus curieuse qu’importante. Les bâtimens charbonniers venant d’Angleterre prennent quelquefois pour lest de retour un minerai de fer provenant de Questemberg, près de Redon, et qu’on utilise à Cardiff en le mélangeant avec le minerai anglais, dont il facilite le traitement[2].

Il s’est produit dans le transport de la houille un autre fait dont les graves conséquences économiques méritent d’être signalées. Il tient à la substitution des navires à vapeur aux navires à voiles. C’est la transformation la plus marquante opérée de nos jours dans la navigation, après celle qui concerne l’emploi du fer au lieu du bois pour la construction des navires à voiles. Ce dernier changement, dont l’initiative revenait assez naturellement à l’Angleterre, soit à raison du développement de sa marine, soit à raison du bas prix du fer dans le pays, date de moins de trente ans. C’est même seulement depuis une dizaine d’années qu’il a pris des proportions considérables et qu’on en a universellement reconnu les avantages sous le rapport de la solidité, de la vitesse, de la durée et de la sécurité. Le transport de la houille par des navires à vapeur est encore un fait plus récent. Pour ce qui regarde Saint-Nazaire, il ne remonte qu’à 1864, et voilà qu’aujourd’hui les steamers ont conquis plus des neuf dixièmes de cette croissante clientèle. La masse des entrées, depuis l’ouverture du bassin, a monté de 20,000 à 150,000 tonnes par année. Quoique le nouveau mode semble plus coûteux, le fret a baissé de moitié. A quoi tient ce phénomène? A la rapidité des opérations. Un steamer peut faire au moins trente voyages par an, tandis qu’un bâtiment à voile ne pouvait pas toujours en faire cinq ou six. La part si minime restant à l’ancienne méthode ne comprend plus que les petits chargemens. Comme toute cette navigation appartient exclusivement aux navires anglais, l’accroissement signalé ne procure aucune besogne aux marins de Saint-Nazaire.

Le service des paquebots transatlantiques forme l’élément le plus avantageux de la navigation directe. Du transit des voyageurs découle pour la place une source réelle de profits. La réparation des navires occupe en même temps dans les ateliers de la compagnie de 210 à 225 ouvriers[3]. On sait que les lois constitutives de la

  1. Quantité: houilles, 1,501,052 quintaux métriques; bois, 106,137 quintaux métriques.
  2. Le minerai pris pour lest en 1866 a été de 5,330 tonnes, et en 1867 de 5,376.
  3. Les travaux de réparation, qui s’étaient progressivement accrus dans les premiers temps, ont depuis lors sensiblement diminué, La compagnie, possédant un matériel de navigation plus complet, se trouve moins pressée pour les travaux de ce genre, et peut les étendre sur un laps de temps plus long. Peut-être aussi fait-on exécuter ailleurs plus de réparations qu’à l’origine.