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enfin que, pour absoudre les impatiences dictatoriales d’un administrateur, il suffise de leur donner une couleur démocratique, de les justifier par la nécessité de faire des jardins, des promenades, dt s squares pour le peuple, pour le pauvre ? C’est la mode aujourd’hui, même dans certaines régions officielles, de faire de ces distinctions entre pauvres et riches, de vouloir s’attribuer le privilège d’un libéralisme populaire par opposition à un libéralisme bourgeois. On fait la guerre aux libertés parlementaires, chères à la bourgeoisie, au nom des libertés populaires, des libertés sociales. M. de Forcade est un esprit assez sérieux et assez élevé pour ne pas glisser, même par inadvertance, dans cette logomachie, qui, à vrai dire, ne couvre pas bien les opérations entreprises par M. le préfet de la Seine.

Ce que pensait le gouvernement, même après le discours, d’ailleurs remarquable, de M. de Forcade, on ne le savait pas encore. Heureusement M. Rouher est venu, et il a déchiré tous les voiles, il a soufflé sur toutes les fictions. M. le ministre d’état a certainement accompli un des actes les mieux faits pour honorer un homme public, et il l’a accompli avec une éloquence doublée par la sincérité ; cet acte, c’est une confession générale, c’est un aveu non pas dépouillé d’artifice, mais hardi et habile des fautes de M. le préfet de la Seine ; si M. Haussmann était présent, il a dû trouver que M. le ministre d’état faisait résolument les choses. M. Rouher n’a pas accepté sans doute toutes les critiques de l’opposition, il a reconnu la justesse des principales, et pour une fois il s’est rencontré avec M. Picard. Ainsi donc c’est entendu aujourd’hui, selon M. Rouher lui-même, il est très vrai que l’administration de la ville de Paris, en lançant dans la circulation pour 465 millions de bons de délégation, a dépassé toute mesure et a commis une irrégularité grave ; il est très vrai qu’elle a disposé sans droit de sommes qui lui étaient remises comme dépôts de garantie ; il est très vrai qu’en émettant pour 159 millions de bons de la caisse des travaux de Paris lorsqu’on n’était autorisé à en émettre que pour 100 millions, on a commis une irrégularité non moins sérieuse. Enfin il reste acquis que M. le préfet de la Seine poursuivait le cours de ses irrégularités en signant au moment même de la discussion du corps législatif un de ces traités à l’aide desquels il a si longtemps alimenté ses ressources, et ce traité, le gouvernement est décidé à ne pas l’approuver. Que les sommes d’argent obtenues par ce système d’irrégularités aient été consacrées à des travaux réels et sérieux, là n’est point la question. La question est dans la violation permanente de la loi, et cette violation opiniâtre, audacieuse, de la loi, M. Rouher l’a confessée, en affirmant, au nom du gouvernement, la résolution de ne pas recommencer. En d’autres termes, c’est une liquidation accompagnée du serment de ne plus faire de dettes. C’est au corps législatif aujourd’hui de maintenir l’autorité de l’engagement nouveau pris devant lui, de ne plus laisser s’énerver ce droit de contrôle qui