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REVUE. — CHRONIQUE.

vient de lui être rendu. L’autre jour, avant la séance des aveux, M. le ministre de l’intérieur, qui a eu la tâche ingrate de défendre ce que M. le ministre d’état a fini par livrer, M. de Forcade disait aux membres du corps législatif quelque chose qui ressemblait à peu près à ceci : « Mais ces travaux, ils ont été faits au grand jour, vous les avez vus s’accomplir. Ils étaient en principe dans la loi que vous avez votée en 1858, on les en a fait sortir, et vous n’avez rien dit. » La leçon était peut-être un peu dure, et elle a coûté assez cher. Dans tous les cas, elle est un avertissement pour le corps législatif, bien prévenu désormais qu’il ne doit plus voter des lois vagues d’où l’on peut faire sortir pour 465 millions de travaux supplémentaires, qu’il est tenu d’exercer énergiquement son droit de contrôle, et le dénoûment même de toute cette affaire prouve victorieusement qu’il y a une chose plus forte que la volonté la plus tenace, c’est l’autorité de la loi, c’est la puissance de l’opinion s’attachant à la défense des garanties publiques. En M. Haussmann, c’est l’arbitraire administratif qui est vaincu, et cet exemple peut servir à tout le monde, au gouvernement lui-même, qui a su habilement esquiver une défaite en livrant un de ses agens.

Les discussions législatives se déroulent d’ailleurs un peu partoutaujourd’hui. Le parlement anglais vient de se réunir, il a voté son adresse après une conversation rapide, comme il arrive toujours dans ces cas-là en Angleterre, et maintenant il se dispose à aborder les grandes questions qui lui seront bientôt soumises, notamment celle de l’église d’Irlande, qui va réveiller la lutte des partis, qui ramènera infailliblement M. Disraeli au combat contre M. Gladstone. En Italie, à Florence, on discute le budget sans grand péril pour le ministère, même quand la discussion prend une tournure politique. Un des plus curieux incidens de ces débats a été celui qui a eu lieu récemment dans la chambre des députés à propos du rétablissement des grands commandemens militaires, qui avaient été supprimés depuis la guerre de 1866. Chose curieuse, cette mesure n’a pas été très vivement combattue, elle a même été appuyée par M. Rattazzi, qui s’est séparé de la gauche dans cette affaire. Le lieutenant ou l’émule de M. Rattazzi dans le commandement de l’opposition, M. Crispi, a saisi cette occasion d’aborder les questions étrangères, et il a naturellement tracé le programme de la politique de l’Italie dans le cas où un conflit éclaterait prochainement en Europe. L’Italie, selon lui, doit se renfermer dans une stricte neutralité. Le général Ménabréa a écouté ce programme, et il n’a rien répondu ; il a laissé M. Crispi exposer son opinion en gardant pour lui le secret des résolutions que l’Italie aurait à prendre en face d’une crise où tout dépendrait des événemens. Et à la rigueur le général Ménabréa ne savait peut-être pas beaucoup mieux que M. Crispi ce que pourra faire l’Italie.

L’Espagne n’a pas à se préoccuper de ces perspectives de conflits européens qui tiennent les esprits en éveil au-delà des Alpes. L’Espagne a