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ration, Le seul engagement que l’Europe ait pris dans le traité de 1856, c’était de faire en sorte que la condition des chrétiens d’Orient fût meilleure après le traité qu’avant. C’est cet engagement que le cabinet français semble avoir oublié de poursuivre de 1856 jusqu’en 1866, c’est-à-dire jusqu’à l’insurrection crétoise. Qui peut douter, si les efforts de l’Occident s’étaient employés après 1856 à procurer à la Crète, non pas l’indépendance, mais une autonomie administrative, qui peut douter que cette concession, faite à temps et dans une étendue déterminée par l’Europe, n’eût apaisé beaucoup de plaintes et prévenu beaucoup de griefs? J’entends souvent critiquer amèrement les fautes et les abus du gouvernement hellénique : eh bien! n’était-il pas facile à la Turquie, aidée des conseils de l’Occident, de donner aux Crétois une administration meilleure que celle de la Grèce, plus protectrice des véritables intérêts populaires? Ne lui était-il pas facile, en agissant ainsi, de faire envier le sort des Crétois aux Hellènes plutôt que de laisser envier le sort des Hellènes aux Crétois ?

Donner aux différentes races chrétiennes qui sont sujettes du sultan une autonomie administrative, conférer à ces corps de nation des garanties et des droits égaux dans l’ordre civil à ceux qu’ils ont déjà dans l’ordre religieux sous le nom d’églises, faire pour la Crète par exemple ce qu’on a fait, il y a près de quarante ans, pour Samos, et plus récemment pour le Liban, — ne pas viser à une centralisation contraire au génie des populations et qui ne peut être en Orient que l’unité d’oppression, — s’abstenir d’imitations intempestives de l’administration européenne, que les fonctionnaires turcs ne peuvent ni ne veulent appliquer, ou qu’ils tournent en occasions nouvelles de pillages et d’avanies, voilà quel était le meilleur moyen, après 1856, de donner aux réformes promises par le traité de Paris et garanties par l’Europe une réalité pacificatrice. La Turquie n’a pas cru devoir employer ce moyen, et l’Occident n’a pas cru devoir l’exiger; mais ce qui n’a pas été fait jusqu’ici peut se faire, et c’est sur ce point important, c’est-à-dire sur l’exécution du traité de Paris, que le gouvernement grec, avec beaucoup d’à-propos, a dirigé l’attention des grandes puissances européennes dans sa dépêche du 19 février dernier.

« Il est d’autant plus regrettable, dit le ministre des affaires étrangères de la Grèce, que la conférence ne se soit pas occupée de la question crétoise, qui pourrait, en se renouvelant dans un temps plus ou moins rapproché, produire les mêmes effets, que les grandes puissances, à l’exception de la Grande-Bretagne, ont cru devoir peser en 1867 sur la Porte ottomane pour la déterminer à consentir à un examen des vœux des Crétois.., Le gouvernement du roi, comptant