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sur les dispositions des six grandes puissances signataires du traité de 1856 en faveur des chrétiens de l’empire ottoman, se flatte qu’elles voudront bien employer leur haute influence afin que le sort des Crétois et de tous les chrétiens, nos coreligionnaires, soit sérieusement amélioré. » Ainsi ce qu’il fallait faire le lendemain du traité de Paris, c’est-à-dire pacifier l’Orient chrétien en améliorant sa condition sociale et en l’affranchissant des incorrigibles exactions des fonctionnaires turcs, le préserver du mal de l’oppression afin de préserver la Turquie du mal des révolta, empêcher cet Orient chrétien de désirer d’être Russe et même d’être Grec en lui prouvant par les faits qu’il ne perd rien à rester Turc, voilà ce qu’après douze ans de temps perdu pour l’Occident et de souffrances endurées par l’Orient il faut tâcher enfin d’accomplir. Sans cela, l’œuvre de la conférence est une trêve; ce n’est point une paix.

Nous nous reprocherions de finir nos réflexions sur l’état actuel de ce qu’on appelle encore par habitude la question d’Orient sans dire un mot de la circulaire du 21 février de M. de La Valette. Cette circulaire a pour objet de constater l’état dans lequel la conférence laisse la question d’Orient, telle que la considère le gouvernement français. Nous remarquons d’abord le ton de bienveillance avec lequel notre ministre des affaires étrangères parle de la Grèce, et cela nous fait espérer, comme nous le disions plus haut, qu’un nouveau quart d’heure de justice ou de faveur équitable est en train de se lever pour la Grèce. Cet esprit de justice pour la Grèce a régné dans les délibérations de la conférence, si nous en croyons le témoignage de M. de La Valette, car le savant et habile envoyé de la Grèce en France, M. Rangabé, a été, grâce à son absence même de la conférence, « admis à présenter toutes les observations qu’il jugeait utiles aux intérêts de son pays, à traiter même des questions qu’il n’aurait pas été autorisé à aborder devant les plénipotentiaires. » Je suis ravi de ce généreux démenti donné par la conférence au vieux proverbe qui voulait que les absens eussent toujours tort, et j’en suis d’autant plus ravi que cela justifie M. le ministre de Grèce de n’avoir pas voulu siéger dans une conférence où il n’aurait eu que voix consultative. Selon M. de La Valette, l’absence bien avisée de M. Rangabé a donné à sa voix consultative plus d’indépendance et plus d’autorité, en même temps qu’elle a préservé la dignité internationale de la Grèce. M. de La Valette croit que, « quelles que soient les apparences contraires, c’est la Grèce en réalité qui a le plus à se féliciter d’une médiation dont les premiers effets ont été de la dégager des complications de l’affaire de Crète, devenue si onéreuse pour elle, comme de lui épargner les calamités qu’en-