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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/301

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LA
BANQUE DE FRANCE

Dans presque toutes les langues, le mot banque et le mot banquier dérivent du vocable qui signifie table ou comptoir : τραπεζίτης chez les Grecs, mensarius chez les Romains, banchiero chez les Italiens du moyen âge. Le banquier a été primitivement un changeur; il venait s’installer sur la place publique avec un banc où il étalait les monnaies diverses qu’on pouvait avoir à lui demander; peu à peu il prit des fonds en dépôt, fit des avances sur caution, sur marchandises, sur gages, sur titres de propriété, sur papiers de famille[1], et devint bien réellement ce que nous nommons aujourd’hui un banquier. Lorsqu’il avait manqué à ses engagemens, on brisait son comptoir; on disait alors de lui qu’il était l’homme du banc rompu, banco rotto, d’où nous avons fait le mot banqueroute. Selon plusieurs écrivains, les trapézites et les mensarii auraient ignoré toutes les opérations des banques modernes. Cette opinion peut paraître exagérée, et Plaute lui donne un démenti. Dans les Captifs, il fait dire à Hégion :

Ibo intro, atque intus subducam ratiunculam
Quantillum argenti mi apud trapezitam siet
[2]

Il n’est pas douteux que depuis l’antiquité il n’y ait eu en Italie des

  1. Lorsque Louis-Philippe fit peindre au palais de Versailles la salle des Croisades, c’est à Gênes qu’on retrouva une grande partie des papiers appartenant aux croisés. Ces titres avaient été engagés chez les banquiers génois par les seigneurs français comme garantie de l’argent qu’ils empruntaient afin de pouvoir se rendre en terre sainte.
  2. « Je rentre, et vais voir un peu ce qu’il me reste d’argent chez mon banquier. »