Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

établissemens publics faisant des opérations de banque ; toutefois il serait difficile de dire à quelle époque remontent les plus anciens. Venise prétend avoir eu une banque municipale dans la première moitié du XIVe siècle, Barcelone trouve dans ses archives quelques traces d’une banque installée en 1349 par la corporation des drapiers ; mais il faut, si l’on veut s’étayer sur des documens authentiques, reconnaître que la première banque régulière établie en Europe fut celle que les Génois organisèrent en 1407 sous le nom de Casa di San-Giorgio.

Quoique Louis XIV, après la désastreuse année 1709, eût créé du papier-monnaie, et qu’à l’époque de sa mort 492 millions de ces valeurs douteuses circulassent encore, notre première banque fut celle de Law, la fameuse banque du Mississipi, qui a tant fait parler d’elle, qu’on a tant maudite, mais à laquelle cependant il ne faut pas oublier que nous avons dû la Louisiane. Concédée à Law pour vingt ans, par ordonnance des 2 et 20 mai 1716, au capital limité de 6 millions divisés en 1,200 actions de 5,000 livres chacune, elle commença dès le mois de juin des opérations qui, si elles n’eussent point été dénaturées, l’auraient conduite probablement à une prospérité extraordinaire. Ces opérations étaient, à fort peu de chose près, celles-là mêmes qui ont donné à la Banque de France une assiette si solide : escompte des effets de commerce, garde des valeurs en dépôt, paiemens et recouvremens pour les tiers. Son action était très sagement circonscrite par l’interdiction absolue de faire le commerce ou d’emprunter à intérêt. Les débuts furent magnifiques ; d’un intérêt mensuel de 2 1/2 pour 100, l’escompte des effets descendit à 6, à 5 et même à 4 par an. Jamais telles facilités n’avaient été offertes au négoce, qui se hâtait d’en profiter.

Malheureusement le succès grisa Law, il engloba la banque dans la compagnie d’Occident, et voulut mettre en pratique le fameux système, rêverie socialiste qui devait amener la banque à être l’unique dispensatrice de tout crédit, de toute richesse, de tout travail. Pour satisfaire les besoins factices qu’on venait de créer, pour répondre aux demandes d’une spéculation surexcitée, on émit une quantité folle d’actions, actions-mères, actions-filles, actions-petites-filles. Pareille fureur d’agiotage ne s’était jamais vue. Les grands seigneurs marchaient en tête de cette année pleine de convoitises âpres et malsaines : le comte de Horn, un parent du régent, assassinait en plein jour, rue Quincampoix ; à la fin de février 1720, le duc de Conti faisait enlever 14 millions d’or à la banque, et le 2 mars le duc de Bourbon en retirait 25. On en arriva, pour conjurer une catastrophe imminente, non pas seulement à vouloir imposer le cours forcé de ce papier qui de minute en minute perdait de