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peut-être pour y surprendre quelques-uns de ses procédés. Arrêté le 23 août 1861, il passa devant la cour d’assises le 14 avril 1862. Les débats constatèrent qu’il avait mis en circulation 1,603 billets de 100 francs et 144 billets de 200, que la Banque avait remboursés par la somme de 189,100 francs. Il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité. Transporté à Cayenne en vertu de la loi du 30 mai 1854, il y trouva une fin effroyable. Essayant de fuir vers les possessions hollandaises avec Poncet, qui devait monter plus tard sur l’échafaud, il ne put suivre son jeune et alerte compagnon; englué dans les vases du rivage, il mourut mangé vivant par les crabes.

La leçon coûta cher, mais elle porta ses fruits. La Banque a redoublé d’efforts pour amener ses billets à l’état de perfection; depuis la tentative de Giraud, nul essai sérieux de contrefaçon ne paraît avoir été entrepris. Je crois qu’il est difficile d’accumuler plus de précautions et d’obstacles. A cet égard, la Banque de France ne mérite que des éloges : nos billets offrent des garanties presque certaines. Au point de vue de l’art, on peut trouver qu’ils laissent à désirer. Si le billet de 1,000 fr. a un verso remarquablement beau, le recto a vieilli : il est froid, poncif, avec d’anciens emblèmes mythologiques. Mercure, Hercule, l’Industrie, la Science, la Justice, la Loi, l’Amour appuyé sur un lion, le coq gaulois et les mains unies. Le billet de 100 fr., dont le verso est un modèle de gravure, a aussi sur le recto des personnages bien durs et bien guindés. Nous sommes dépassés aujourd’hui sous le rapport de l’apparence plastique du billet, ou, pour mieux dire, la Banque s’est dépassée elle-même. Les billets qu’elle a gravés et imprimés pour le Mexique et pour les états du pape sont d’une beauté qui laisse bien loin celle des nôtres. Or en toutes choses il faut être les premiers. Sans doute c’est une grosse question à résoudre : il y a toujours avantage à laisser à la monnaie fiduciaire l’aspect et la forme auxquels le public est accoutumé; mais ce même public s’est fait sans aucune peine à toutes les émissions de la Banque, même à celle des billets de 200 fr., qui étaient cependant d’une laideur remarquable. Il s’habituerait d’autant mieux à de nouveaux billets que ces derniers seraient plus près encore de la perfection rêvée, car c’est par la perfection seule, par la perfection absolue, s’il est permis de l’atteindre dans les choses humaines, que les contrefacteurs seront définitivement et pour toujours déroutés. La Banque doit au pays et se doit à elle-même de créer des billets qui soient de véritables œuvres d’art, qui se présentent réunies toutes les difficultés que peut imaginer la gravure, et qui offrent une image d’une indiscutable beauté. Si la Banque adoptait ce parti, si le gou-