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verneur, prenant cette haute initiative, arrivait à convaincre le conseil-général qu’une refonte de tous les billets ne peut être que glorieuse pour le grand établissement qu’il dirige, si la mesure était décidée, — au nom du XIXe siècle, qu’on abandonne pour n’y jamais revenir la mythologie et les emblèmes surannés qu’elle fournit, qu’on demande à la vie moderne les nobles allégories dont elle abonde, qu’on reconnaisse une fois pour toutes que, sous prétexte d’être catholiques, nous sommes plus païens que Julien l’Apostat, et que, se souvenant des merveilleuses découvertes qui rendront notre siècle plus grand que le XVIe on crée une monnaie fiduciaire qui soit aux billets actuels ce que les médailles grecques sont à nos pièces de 20 francs. Malgré le côté presque exclusivement pratique de ses opérations, la Banque de France doit savoir et prouver qu’en tout ordre de production le beau n’est pas seulement utile, mais qu’il est indispensable.


III.

Ouverte sur la rue de La Vrillière, appuyée sur les rues Radziwill, Baillif et Croix-des-Petits-Champs, la Banque de France occupe depuis 1811 l’ancien hôtel du comte de Toulouse. L’aspect général est celui d’une prison de bonne compagnie; les grilles et les portes de fer n’y font point défaut, les solides murailles en gros appareil défient les escalades, et les armatures de métal qui ferment toutes les issues sont une défense qu’il ne paraît pas facile de vaincre. C’est la maison de l’activité par excellence, les cours, les escaliers, les couloirs, ne désemplissent pas; deux courans contraires se coudoient partout. On ne voit que gens affairés pour qui le temps est bien véritablement de la monnaie; à chaque porte, à chaque palier, des plantons répondent aux questions et renseignent sur les multiples détours de cet immense dédale. Comme on est en train de reconstruire l’hôtel, qui, suffisant pour loger des princes légitimés, n’était plus depuis longtemps de taille à servir de palais au crédit public, l’encombrement est encore augmenté par des cloisons improvisées, par des escaliers appliqués contre les murs, par raille bâtisses provisoires et parasites qui rendent peut-être la circulation plus facile, mais n’embellissent guère le local. A voir la foule qui se hâte et se presse dans l’enceinte de la Banque, on comprend du premier coup d’œil que c’est une institution vraiment universelle. Toutes les classes de la société y sont représentées, soldats, artisans, bourgeois, — depuis le capitaliste qui vient toucher le dividende de ses actions jusqu’au pauvre petit ouvrier en