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la même, car en définitive la Banque de France est sans intérêt dans la question, ou plutôt elle n’en a qu’un, qui est celui de tout le monde; elle sait parfaitement que, si elle a 300 millions d’argent dans ses caves, le jour où ce métal serait démonétisé on les lui rembourserait au pair. On aura beau faire, quand une idée est mûre, comme l’est celle de la monnaie internationale, on ne l’écarte pas aisément. Elle triomphe de tous les obstacles, de la routine comme des intérêts opposés. On réalisera celle-ci avec la pièce de 10 fr. ou avec une autre combinaison ; mais à coup sûr le monde ne se résignera pas plus longtemps à subir des frais exceptionnels de change quand il peut faire autrement.

Si nous voulions en finissant jeter un regard sur l’avenir et prévoir ce qui se passera lorsqu’on aura adopté une monnaie internationale, nous n’hésiterions pas à dire que les avantages en seront tellement appréciés qu’on n’en connaîtra bientôt plus d’autre, et qu’on verra disparaître successivement florin, thaler, ducat, dollar, livre sterling et même franc, pour faire place à la seule monnaie universelle avec ses multiples et ses sous-multiples. La même unification se produira infailliblement pour le système des poids et mesures. Le jour où ces deux progrès seront accomplis, les nations auront fait un grand pas vers les idées de confraternité qui tendent à les unir malgré tout. L’époque où nous vivons présente en effet ce caractère particulier : en même temps que les peuples sont entraînés à des querelles et à des divisions, poussés à la guerre par leurs gouvernemens, ils sentent une force de sympathie qui au contraire les retient et les rapproche. Cette force est l’honneur de la civilisation, c’est elle qui maintient la paix en neutralisant tous les desseins ambitieux.


VICTOR BONNET.