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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/41

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souvenirs du désert, j’apprends tout à coup que la poudre vient encore de parler dans le Sahara. Fanatisés par les prières du rhamadan et excités par l’ardeur de leur jeune chef Si-Kadour-ben-Hamza, qui brûle de se mesurer avec nous, les Oulad-sidi-Cheik, passant au nord de Géryville, ont pénétré dans la province d’Oran. Le vide se fait devant eux ; les tribus épouvantées se replient sur le Tell. Ils se répandent alors dans le Djebel-Amour, les villages ouvrent leurs portes. Ain-Madhi, oubliant sa lutte célèbre contre Abd-el-Kader, n’ose résister. Un instant les fils de Si-Cheik peuvent croire que leur bannière va se relever dans le Sahara et qu’ils vont enfin camper sur les tombeaux de leurs pères ; mais le clairon a sonné sous les palmiers de Laghouat. La colonne qui veille comme une sentinelle avancée à 120 lieues d’Alger s’est mise en marche sous les ordres du lieutenant-colonel de Sonis. Le 1er février dernier, les marabouts Si-Kadour et Si-Lala, exaltés par le succès de leur agression et comptant sur leur supériorité numérique (3,000 contre 700), osent venir proposer la bataille à nos soldats. Ceux-ci, pleins de confiance dans l’arme excellente dont ils se servent pour la première fois, soutiennent bravement l’attaque, et après un combat de deux heures repoussent en désordre l’ennemi, qui laisse sur le terrain soixante-dix morts et de nombreux blessés.

Cette fois c’est bien à nos troupes que revient l’honneur de cette brillante victoire, car les goums de Laghouat ne les avaient pas encore rejointes. Cependant ceux de Géryville ne sont pas restés inactifs. A la première nouvelle du mouvement de l’ennemi, 200 cavaliers d’une fraction ralliée des Oulad-sidi-Cheik, conduits par Sliman-ben-Kadour, s’élançaient vers le Maroc, et le 5 février razzaient la smalah des marabouts, que ceux-ci avaient pour ainsi dire laissée sans défense. 2,800 chameaux chargés de butin, voilà ce qu’ils rapportent de cette heureuse expédition. Aujourd’hui les tribus insoumises, vaincues par nos troupes, dépouillées des richesses qu’elles accumulaient pour nous faire la guerre et des troupeaux qui sont leur seul moyen d’existence, repassent en fuyant les frontières du Maroc. Ainsi tombe encore une partie du prestige que la famille des Hamza exerçait dans le Sahara occidental, et la main qui lui porte ce dernier coup est celle d’un de ses membres qui, détachant sa cause de la sienne, est venu se placer sous le drapeau de la France.


B. D’HARCOURT.