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analogie avec notre Versailles. Le quartier du Vivierberg, la spacieuse promenade plantée d’arbres qui conduit à la bibliothèque royale, la grande rue qui mène au bazar Boer et qui, se prolongeant en allée, conduit à Scheveningen, peuvent, sans désavantage aucun, soutenir la comparaison avec les magnifiques avenues de Versailles. Le caractère général de l’architecture des quartiers aristocratiques mérite une mention toute spéciale. Il n’y faut point chercher l’extrême originalité de l’architecture des riches quais d’Amsterdam, de Heeren’s gracht par exemple. Ici l’alignement règne en souverain, une sévère uniformité a fait disparaître de ces façades toute marque de fantaisie individuelle; mais ces quartiers n’en sont que plus aristocratiques en un sens par cette noble monotonie même, et plus conformes à ces lois de la haute société moderne qui consistent à réprimer toutes les floraisons fantasques et toutes les végétations pétulantes du caractère individuel par la franc-maçonnerie anonyme d’une bienséance et d’une tenue communes aux hommes d’un certain ordre. A La Haye comme à Versailles, on peut observer l’influence très particulière que la royauté exerce sur ce qui la touche immédiatement, et les transformations qu’elle fait subir aux choses qui sont renfermées dans sa sphère ambiante. La royauté assouplit sans efforts l’indépendance de ceux qui l’approchent, et la change en déférence; l’esprit le plus original éteint de son plein gré ses saillies indisciplinées dans une soumission respectueuse, et l’aristocrate le plus sûr de son autorité individuelle, dès qu’il renonce à se tenir à l’écart, se transforme immédiatement en un noble. C’est un serviteur de haut rang, et alors adieu aux fantaisies personnelles, architecturales ou autres; tout ce qui reste de l’aristocratie consiste nécessairement dans le grand air avec lequel on porte la soumission, dans la grâce avec laquelle on manifeste la déférence. Ce qui entoure la royauté n’existe que pour lui faire cortège et accompagnement; il faut donc d’abord un intervalle marqué, et ensuite une harmonie qui ne s’obtient qu’au prix d’une uniformité sévère. Dans une ville gouvernée par cinq cents patriciens égaux entre eux de rang et de pouvoir, cinq cents palais d’une variété extrême témoigneront au contraire que la magnificence de leurs possesseurs n’a été gênée par aucune contrainte, par aucun sentiment d’inégalité qui les ait rappelés à une sorte de modestie. Rien n’est frappant sous ce rapport comme l’aspect d’Amsterdam quand on vient de quitter La Haye. A Amsterdam, la ville républicaine par excellence, l’architecture des maisons offre le spectacle des républiques bien ordonnées, celui de la fantaisie la plus excessive dans l’alignement le plus correct, de l’indépendance la plus complète au sein de l’ordre le plus régulier. Jamais la ligne