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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/54

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tard, cette simplicité primitive des inscriptions chrétiennes s’altéra. Les regrets d’abord se firent jour : il était bien difficile que la foi fût toujours assez forte pour les contenir; puis on se permit un compliment timide pour le mort. On nota le nombre des années qu’il avait vécu, la date précise de sa sépulture ou, comme on disait, de sa déposition. Ces détails finirent par se trouver reproduits de la même façon sur toutes les tombes; le style des inscriptions chrétiennes fut alors fixé, ou, si l’on veut, la formule et la convention se glissèrent à une place où l’on ne devrait jamais trouver que l’élan spontané du cœur. Ce progrès, je le comprends, n’est pas du goût de M. de Rossi. En présence de ces inscriptions si régulières du IVe siècle, il regrette le temps où la douleur et la foi étaient moins disciplinées, où chacun exprimait ses regrets et ses espérances comme il les ressentait, sans s’occuper de suivre l’usage et de pleurer comme tout le monde.

Les études auxquelles M. de Rossi s’est livré à propos des fresques qui ornent la plupart des chambres du cimetière de Calliste sont plus curieuses encore et plus nouvelles. Tout le monde sait que les origines de l’art chrétien sont aux catacombes. C’est là qu’il a pu s’exprimer pour la première fois en liberté, et qu’il a cherché une forme qui lui fût propre. M. de Rossi nous montre qu’avant la fin du IIe siècle il l’avait trouvée. Il y a pourtant quelques distinctions à faire. La sculpture aux catacombes n’est jamais aussi originale ni aussi chrétienne que la peinture. C’est qu’évidemment ces grands sarcophages de marbre n’ont pas été travaillés dans les galeries où nous les rencontrons; ils sortaient de l’atelier d’un sculpteur où tout le monde pouvait les voir, ce qui ne permettait guère d’y traiter des sujets religieux. Les chrétiens semblent avoir pris facilement leur parti de cet inconvénient. Quand ils avaient besoin d’un tombeau de marbre, ils choisissaient chez le marchand celui dont le sujet choquait le moins leurs croyances, et ils ne se montraient même pas très difficiles. Nous en avons un dans le cimetière de Calliste qui représente l’histoire de Psyché et de l’Amour. Il est donc probable qu’il y avait parmi les sculpteurs peu d’artistes chrétiens, ou, s’ils l’étaient, leurs travaux, exposés aux regards des profanes, ne pouvaient pas avoir le caractère religieux de ces fresques souterraines, imaginées et exécutées loin des yeux infidèles, au milieu de cette cité silencieuse des morts où tout conviait l’artiste à se livrer sans réserve à l’ardeur de ses croyances. Il ne faudrait pas croire cependant que la peinture se piquât d’être tou-