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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/607

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membres du concile. Le théâtre de la lutte était seul changé, les procédés devaient rester les mêmes. Au début, la ruse et la feinte seraient de préférence employées ; si ces moyens ne suffisaient pas, Napoléon n’hésiterait point, pour en finir, à recourir à la violence. Les négociations entamées avec le pape à Savone, et suivies de la transportation de celui-ci à Fontainebleau, n’ont pas duré moins de sept mois, des premiers jours de septembre 1811 jusqu’à la fin de février 1812. A peine cependant les écrivains ecclésiastiques ont-ils soufflé mot des scènes étranges où furent alors mêlés cinq cardinaux et les principaux membres de l’épiscopat français. C’est notre devoir, à l’aide de leur correspondance, pour ainsi dire quotidienne, que nous avons sous les yeux, de suppléer au silence obstinément gardé par M. de Barral dans ses Fragmens historiques, par l’abbé de Pradt dans ses Quatre Concordats, silence trop explicable dont, par un mutuel accord, les partisans de l’empire et ceux de la papauté n’ont pas encore, consenti à se départir.

Parmi les reproches immérités qui pourraient être adressés à la mémoire de Napoléon Ier, le plus injuste serait à coup sûr celui d’avoir jamais négligé de prendre les précautions les plus minutieuses pour arriver plus sûrement à ses fins. Cette fois l’empereur, il faut en convenir, se surpassa lui-même. De tout ce que les curieuses dépêches de M. de Chabrol lui avaient fait connaître sur l’état d’esprit de son malheureux prisonnier, Napoléon avait surtout retenu ceci, que Pie VII se plaignait d’être privé de conseils et de ne pouvoir prendre sur lui de résoudre avec une suffisante sécurité de conscience les graves questions qui lui étaient soumises. Au dire même des prélats les plus dévoués à la cause impériale, la réclamation du saint-père, ainsi réduite, faisait à tout le clergé catholique l’effet d’être parfaitement fondée. — Un tout récent exemple avait d’ailleurs démontré clairement à l’empereur combien il était à redouter que le pape fût incapable de persévérer longtemps dans les résolutions qui lui seraient arrachées pendant les heures d’angoisse de sa captivité. L’habile préfet de Montenotte avait eu l’art de faire comprendre à Napoléon qu’il ne fallait pas compter beaucoup sur des engagemens ainsi acceptés de guerre lasse, dont l’apparence était assez fâcheuse, et qui couraient risque d’être aussitôt rétractés que consentis. Dans l’intérêt même de l’empereur, pour agir efficacement sur l’opinion des fidèles, pour calmer les scrupules du saint-père et le fixer irrévocablement, il était opportun de laisser arriver près de lui, au moins pour un moment, une partie de ses conseillers naturels, c’est-à-dire quelques membres du sacré-collège. L’empereur en sentait la convenance ; mais comment s’y prendre et à quels choix s’arrêter ? Envoyer à Savone les cardinaux italiens dépouillés de leur pourpre qui étaient pour le quart d’heure