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lèbre ou même quelque monument qui les frappait d’admiration, de se rappeler le souvenir de leurs parens ou de leurs amis, soit pour les recommander au dieu auquel le temple était consacré, soit pour les associer au plaisir que leur causait un beau spectacle. Ces actes d’adoration, ces proscynèmes, comme on les appelait, dans lesquels le voyageur joint le nom de ceux qui lui sont chers à ses impressions personnelles, se retrouvent fréquemment en Grèce et surtout en Égypte. Ils sont ordinairement assez courts et peu variés dans leur forme. « Sarapion, fils d’Aristomaque, est venu vers la grande Isis de Philé, et par un motif pieux il s’est souvenu de ses parens. — Moi, Panolbios d’Héliopolis, j’ai admiré les tombeaux des rois, et je me suis souvenu de tous les miens. » Cependant tous ne sont pas aussi simples et aussi froids, et l’on y saisit quelquefois une émotion véritable. En voyant les pyramides, une Romaine se rappelle son frère qu’elle a perdu, et elle écrit ces mots touchans : « J’ai vu les pyramides sans toi, et cette vue m’a rempli de tristesse. Tout ce que j’ai pu faire, c’est de verser des larmes sur ton sort; puis, fidèle au souvenir de ma douleur, j’ai voulu écrire ici cette plainte. » M. de Rossi n’a donc pas tout à fait raison de nous dire que ces proscynèmes païens ne contiennent jamais qu’une froide et stérile formule (una fredda e stérile formula di ricordenza); mais il est sûr que le christianisme, en adoptant cet usage, le modifia. Dans les graffiti du cimetière de Calliste, on trouve plus de passion, plus de tendresse et un accent plus religieux. Tantôt le visiteur s’occupe des vivans; il prie les saints pour ses parens et pour lui. « Saint Sixte, souvenez-vous dans vos prières d’Aurelius Repentinus. — Ames saintes, n’oubliez pas Martianus Severus et ses frères. — Obtenez que Verecundus arrive heureusement au port! » Tantôt il songe aux morts et demande pour eux ce repos éternel qui était devenu dans la religion nouvelle une si terrible préoccupation. « Qu’Amata vive en Dieu ! — Demandez la paix pour mon père. — Ma chère Sophronie, vis toujours dans le Seigneur ! » Toutes ces prières nous reportent aux temps où l’on venait non-seulement de l’Italie, mais de la Gaule et de l’Espagne, pour visiter les catacombes. Ce furent leurs derniers beaux jours. Quelques années plus tard, les barbares avaient déjà plusieurs fois ravagé les tombeaux des saints, et l’on se décida, pour mettre leurs restes à l’abri de ces outrages, à les transporter dans les églises de Rome.


III.

Je voudrais, avant de quitter le cimetière de Calliste, résumer rapidement les principaux résultats des recherches de M. de Rossi.