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chercher des exemples pour sa conduite et des appuis pour sa manière de voir. Telle est cependant, je vous assure, l’exacte vérité[1]. »

Un mois après cette conversation, juste au moment où les cardinaux désignés par l’empereur allaient se mettre en route pour Savone, M. de Chabrol se croyait en mesure d’annoncer au ministre des cultes que les dispositions de Pie VII semblaient s’améliorer un peu. « Il est constant, écrit-il à la date du 23 août, qu’il désire entrevoir une issue aux affaires de l’église. Aujourd’hui, après avoir montré de la gaîté dans un entretien assez long que j’ai eu avec lui, il est encore revenu sur le sujet du concile avec l’intention évidente d’apprendre quelque chose de moi[2]. » Si le pape était curieux de savoir ce qui s’était passé dans le sein des congrégations tenues par les évêques convoqués à Notre-Dame, le préfet de Montenotte n’était nullement porté à le lui faire connaître. En était-il bien informé lui-même ? Cela est douteux. En tout cas, il résulte de sa correspondance qu’il prit soin de se renfermer toujours dans des affirmations générales et très vagues, qui, si elles n’étaient pas absolument contraires à la vérité, étaient à coup sûr calculées de façon à ne rien apprendre au saint-père de ce qu’il ne devait pas savoir. Au lieu de renseignemens, c’étaient plutôt des conseils que le préfet de Montenotte entendait offrir à son interlocuteur. « J’ai tâché d’appeler toute sa confiance sur les résolutions du clergé de l’empire… Je me suis efforcé de fixer son opinion sur les idées raisonnables qu’il avait précédemment émises. Je lui ai dit qu’il n’avait encore rien paru des résolutions des pères du concile, mais qu’elles seraient connues sans doute à la fin de la session. Je ne saurais donc trop l’engager à abandonner la défiance qu’il montrait pour une détermination qui viendrait de lui seul, et à terminer à la fois tous ses maux et ceux de l’église. Il n’y avait pas un bon esprit dans la catholicité qui ne pensât de la même manière. Plus que personne, je pouvais aisément en juger par mes relations avec le dehors et le lui garantir avec sincérité[3]. »

Quelques jours plus tard, à la veille même de l’arrivée, imprévue pour lui comme pour le saint-père, des cardinaux et des évêques envoyés de Paris par l’empereur, M. de Chabrol continuait à entretenir M. Bigot de Préameneu des anxiétés croissantes du souverain pontife. « Il paraît, d’après diverses questions que fait de temps à autre le pape, soit à son médecin, soit aux gens de sa maison, qu’il commence à souhaiter vivement d’apprendre quelques nouvelles relatives aux affaires qui le concernent, et que l’incertitude de sa position commence à lui peser. » Instruit de cet état d’esprit

  1. Lettre de M. de Chabrol à M. Bigot, ministre des cultes, 15 juillet 1811.
  2. Ibid, 23 août 1811.
  3. Ibid.