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de Pie VII, le préfet de Montenotte ne manque pas de se rendre immédiatement chez lui ; mais, à sa grande surprise, il trouve Pie VII, en apparence du moins, fort calme. «… Il m’a dit qu’il était habitué à se maintenir dans un état de tranquillité d’esprit qui le mettait à même d’attendre tout le temps qu’il faudrait ; mais ce n’est pas là, continue M. de Chabrol, ce qui résulte des discours de son médecin. » C’est pourquoi, fort des secrètes confidences de cet infidèle serviteur du pape, M. de Chabrol met aussitôt la conversation sur le concile. En prenant soin de ne donner, comme à l’ordinaire, à Pie VII que des informations plus propres à exciter son désir d’apprendre quelque chose qu’à le satisfaire, il s’attache surtout à l’incliner d’avance vers les résolutions qu’il sait conformes aux volontés de l’empereur. « Il n’y avait encore rien de connu au sujet du concile. On voyait seulement par les journaux qu’il y avait des congrégations. Les résultats n’en seraient sans doute publiés que lorsque tout serait terminé. Certainement le pape s’empresserait alors de seconder les résolutions prises par le clergé de France pour la pacification et pour le bien de l’église[1]. »

Ainsi, au moment où il allait être sommé de se prononcer sur le décret émané du concile tenu à Paris, Pie VII était tenu dans la plus complète ignorance de ce qui s’était passé dans cette solennelle assemblée. Si le préfet de Montenotte ne l’en avait pas instruit, c’est peut-être, comme nous le supposions tout à l’heure, qu’il l’ignorait complètement lui-même ; mais les cardinaux envoyés pour servir de conseils au pape, mais les évêques chargés de traiter avec lui, ceux-là savaient tout, ceux-là pouvaient tout révéler. Ne semble-t-il pas que le premier devoir de ces dignitaires de l’église fût de dire au moins quelque chose au chef de leur foi des scrupules opiniâtres qui avaient si longtemps arrêté les pères du concile. A défaut des obligations plus étroites qui résultaient pour eux de leur caractère ecclésiastique, n’étaient-ils pas tenus par les règles ordinaires de la simple honnêteté d’avouer que la grande majorité des prélats avait commencé par se déclarer incompétente dans cette épineuse affaire de l’institution canonique ? De quel droit osaient-ils prendre sur eux de dissimuler au souverain pontife qu’à la suite d’une première décision contraire aux volontés de Napoléon trois de leurs collègues avaient été jetés dans le donjon de Vincennes, que le concile avait été dissous, puis de nouveau convoqué ? De leur part, quelle indignité de ne pas confesser au pape que le décret maintenant soumis à la sanction pontificale avait été adopté à la sourdine, sans discussion préalable, par une assemblée violemment mutilée et patiemment séduite ! De tels aveux auraient trop coûté à leur

  1. M. de Chabrol à M. Bigot de Préameneu, 26 août 1811.