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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/632

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exigera un jour de nous au sujet de l’exercice de notre ministère apostolique. Dieu seul sait combien de larmes et de soupirs nous a coûtés cette pensée, et avec quelle effusion d’amour nous voudrions exprimer à votre majesté les sentimens de notre cœur ; mais les discours sont devenus inutiles depuis le jour où des cardinaux, des archevêques et des évêques sont arrivés près de nous avec l’agrément de votre majesté. Leur seule venue nous a fait concevoir les meilleures espérances, et nous y prenons d’autant plus de confiance que le Seigneur, qui a rendu votre majesté si puissante, et lui a mis en main l’épée pour la défense et le soutien de la sainte église, fera aussi que votre majesté, par des faits dignes de sa grandeur, voudra prévenir nos désirs et diriger vers l’honneur de Dieu, au plus grand avantage du catholicisme et du siège de Rome, cette gloire temporelle et éternelle de votre majesté pour laquelle nous ne cessons d’adresser l’es vœux les plus fervens au souverain distributeur de toute félicité. Animé d’une si belle confiance, nous augurons que votre majesté jouira toujours de la plus grande prospérité, et dans l’épanchement de notre âme, élevant les mains vers le Dieu de paix, nous l’implorons pour qu’il répande sur votre majesté ses lumières, ses secours célestes avec l’abondance entière de ses bénédictions[1]. »


Pie VII avait remis cette lettre toute cachetée à M. de Chabrol ; mais il n’avait point fait mystère de ce qu’elle contenait. Quand le préfet de Montenotte et les prélats eurent connaissance des termes dans lesquels le saint-père venait de s’adresser au chef de l’empire français, ils témoignèrent une joie indicible. Tous les vœux des membres de la députation étaient exaucés, et le succès dépassait leurs plus belles espérances. Non-seulement le saint-père avait approuvé le décret du concile en l’insérant textuellement et mot pour mot dans son bref, mais il avait de lui-même renouvelé le premier avec Napoléon ces rapports affectueux et confidentiels qui, dans leur conviction, avaient naguère tant profité à l’église. De beaux jours allaient donc se lever de nouveau pour elle. A coup sûr, celui-là aurait singulièrement surpris les cardinaux, les archevêques, les évêques et M. de Chabrol lui-même, qui serait venu leur dire à ce moment que Napoléon était assez peu satisfait de la besogne qu’ils venaient d’accomplir, et qu’il avait déjà pris le parti de ne pas accepter le bref du pape et de laisser sa lettre sans réponse. Cette détermination, si inattendue pour le préfet de Montenotte et pour tous, les graves personnages ecclésiastiques alors établis à Savone, provenait d’un ensemble de circonstances qui se rattachaient à la politique générale de l’empereur, et qui nécessitent à cause de cela quelques explications.

  1. Lettre du pape Pie VII à son impériale et royale majesté l’empereur Napoléon Ier ; Savone, 23 septembre 1811.