naturelle du cœur humain qu’à la saine politique. Ayant ouï parler de l’intention où il était d’écrire une lettre à sa majesté, j’espérais qu’il voudrait bien écouter mon opinion à ce sujet avec la même bonté dont il m’avait donné tant de preuves. Je pensais donc que cette lettre devait laisser de côté toute prétention et tout intérêt autre que celui de la religion, et être remplie du seul désir de remédier aux maux de l’église. Elle ne devait donc contenir aucune allusion au passé ; elle devait être au contraire écrite avec cette charité de l’Évangile qui était dans son cœur. J’ai vu tout de suite que le pape me savait gré de cette ouverture, et que mon insinuation était peut-être nécessaire. Je dois rendre cette justice au pape, qu’il désire sur toute chose une réconciliation entière. Il est seulement retenu par le sentiment de ce qu’il appelle la dignité de l’église, qui ne vient pas entièrement de son propre fonds. Je lui ai fait sentir que la dignité était dans la démarche et non pas dans les mots, qui, aux yeux de l’histoire, ont par eux-mêmes peu d’importance… Il m’a répondu qu’il y réfléchirait mûrement, qu’il était un peu fatigué des jours passés, et que dans le reste de la journée il aurait probablement un peu plus de repos… J’ai laissé le pape dans de bonnes dispositions et le cardinal de Bayanne, à qui j’ai rendu compte de cet entretien, le croit à demi gagné[1]. »
M. de Chabrol ne se trompait point. Pie VII prit en effet le parti d’écrire directement et de sa propre main à l’empereur ; mais il préféra faire lui-même sa lettre, et n’en voulut point charger le cardinal de Bayanne. Elle était d’ailleurs conforme d’un bout à l’autre à ce que lui avait indiqué le préfet de Montenotte. Non-seulement Pie VII s’y abstint de toute allusion, si éloignée qu’elle pût être, aux différends qu’il supposait maintenant apaisés ; mais il mit une sorte d’affectation à revenir de lui-même à ce ton d’affection cordiale et admirative qui avait marqué d’un cachet si particulier les premières correspondances échangées jadis avec le chef de l’empire français.
«… Par notre lettre expédiée en forme de bref et délivrée au moyen de notre aumônier, des archevêques et évêques de la députation, votre majesté verra, disait-il, ce que nous avons fait pour obvier aux maux de l’église, et nous nous tenons à l’avance assuré de la satisfaction de votre majesté. Pour nous qui, sans aucun mérite de notre part, avons été par la seule bonté de Dieu placé sur la chaire de saint Pierre, et constitué chef des fidèles avec mission de paître et de gouverner l’église universelle, nous tremblons à l’idée du compte sévère que le Très-Haut
- ↑ Lettre de M. de Chabrol à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 20 septembre 1811.