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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/682

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rallumer avec une nouvelle fureur lorsque arrivèrent les premiers Européens, aventuriers, commerçans, missionnaires, parmi lesquels dominaient les nationalités portugaise, espagnole et hollandaise. Leurs progrès, favorisés peut-être par ces troubles, furent rapides. Ils avaient fondé leurs principaux établissemens dans l’île Kiousiou et à l’extrémité orientale de Nipon. Les daïmios de ces provinces, les princes de Hizen, de Boungo, de Satzouma, les accueillirent avec faveur. On sait quel fut tout d’abord l’état florissant de ces comptoirs, et avec quelle promptitude se développa l’église chrétienne du Japon, fondée par l’apôtre François-Xavier. Sur ces entrefaites, en 1590, la dignité de shiogoun échut à un homme de génie, Taïko-sama. C’est à partir de ce prince que les shiogouns, dont le pouvoir fut définitivement affermi par ses victoires, ont pris le nom de taïcouns. Né de pauvres paysans et réduit dans sa jeunesse à exercer les emplois les plus humbles, Taïko-sama s’était fait soldat et s’était élevé par une série d’actions d’éclat et d’éminens services au rang de général d’armée. Trois grands faits caractérisent son règne, la soumission des princes, les guerres sur le continent, en Corée, et la proscription en masse des chrétiens, soit japonais, soit étrangers. Un pouvoir central assez fort pour contenir l’ambition des princes, l’isolement absolu d’un pays capable de se suffire, tels étaient les fondemens qu’il entendait donner à la prospérité de ses états. Quant aux mikados, confinés dans leur résidence de Miako, entourés de vénération comme descendans des dieux, mais sans armées ni revenus, ils n’eurent plus désormais qu’à sanctionner les décrets rendus en leur nom, et à conférer autour d’eux des dignités purement honorifiques.

Le successeur de Taïko-sama, mort en 1599, aurait dû être son fils Hidé-yori ; mais son confident Iye-yas, qu’il avait désigné pour être le tuteur du jeune prince, leva l’étendard de la révolte, et parvint à se faire reconnaître shiogoun après la victoire décisive de Sékihara (1603). Iye-yas, à la mémoire duquel on rend un culte sous le nom de Gonguensama, continua les travaux de Taïko-sama, et établit sur des bases inébranlables le système qui a régi le Japon jusqu’à nos jours. Les taïcouns qui se sont succédé sur le trône de Yeddo appartiennent tous à sa famille. L’avènement du chef de cette dynastie fut moins illégitime qu’on pourrait le croire tout d’abord. Iye-yas se rattachait par ses ancêtres aux Guéngi et à l’un des cinq groupes de daïmios koksis descendus des premiers mikados ; Hidé-yori au contraire était le fils d’un homme de naissance obscure. En tout cas, lorsque Iye-yas mourut, il était réellement reconnu dans tout le Japon comme lieutenant du mikado et chargé des affaires générales du pays. Il y a quelques années, frappés de la faiblesse d’un pouvoir arrivé à son déclin, quelques esprits se sont