Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/688

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Kioto faisait rendre ses décrets, donnant ainsi les apparences de la légitimité à des actes dont malheureusement le bien du pays était le moindre mobile.

Le gouvernement de Yeddo, contraint par la pression des événemens d’accorder aux étrangers des droits qu’il avait à peine eu le temps de discuter, ne se dissimulait pas les périls qui menaçaient sa stabilité. Il temporisait, et, ne se sentant point assez fort pour imposer au pays les traités de 1858, consacrait toute la subtilité du caractère oriental à restreindre la portée des engagemens qu’il avait pris. Les étrangers lui reprochaient son manque de franchise, mais ne pouvaient le rendre responsable des meurtres qui avaient ensanglanté les rues de Yeddo et de Yokohama. Si quelques-unes des victimes étaient tombées sous le sabre de fanatiques, comme il s’en rencontre en tous pays dans les périodes d’agitation et de transformation sociales, la plupart des assassinats avaient été, à n’en pas douter, payés par les princes, qui voulaient ainsi prouver la faiblesse du gouvernement de Yeddo en le jetant au milieu des complications les plus graves.

Le séjour du taïcoun à Kioto, où l’avaient appelé au commencement de 1863 les ordres du mikado, n’amena aucun résultat définitif ; le taïcoun avait exposé à la cour les difficultés devant lesquelles il s’était trouvé, — la puissance des étrangers appuyant leurs prétentions de la présence de leurs flottes, les menées hostiles de certains daïmios. Il était, avait-il dit, impossible de songer à fermer de nouveau le Japon. C’était rendre la guerre inévitable, et le pays n’était pas prêt. Ces aveux du taïcoun ne pouvaient qu’accélérer l’exécution du plan arrêté par ses ennemis de créer à tout prix un conflit avec les puissances européennes. Le décret d’expulsion des étrangers, préparé depuis longtemps, reçut enfin la sanction du mikado, et ce fut Stotsbachi, nommé pour la circonstance vice-taïcoun, qui se chargea d’en surveiller l’exécution. Le taïcoun en effet, forcé de donner son assentiment à une mesure qu’il désapprouvait, s’était hâté d’informer les ministres européens de la violence qu’il subissait. En même temps et sur la proposition du prince d’Etsizen, gagné au parti de la résistance contre le pouvoir de Yeddo, le gorodjo portait la main sur l’édifice sacré de Iye-yas, encore intact au milieu de toutes ces discordes intérieures, et un décret que le taïcoun lui-même était contraint de sanctionner affranchissait les daïmios de l’obligation de paraître à la cour de Yeddo et d’y entretenir en permanence cette foule de serviteurs qui constituaient de réels otages entre les mains du taïcoun.

Le décret d’expulsion contre les étrangers n’était pas plus tôt lancé, que le prince de Nagato, un des principaux instigateurs du nouveau programmes en acceptait résolument les conséquences,