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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/787

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le ministère belge aurait-il pu se refuser à cette concession ? Il a consenti à rouvrir le débat sur les conventions de chemins de fer, tandis que le gouvernement français de son côté consent à étendre la délibération à tous les intérêts économiques des deux pays. La question reste donc entière sur les fusions de chemins de fer aussi bien que sur tout le reste, et ni la Belgique ni la France ne sont intéressées à la laisser s’aggraver par une explosion de susceptibilités nouvelles.

On a parlé un instant d’une médiation de l’Angleterre dans ce démêlé semi-politique, semi-économique de la Belgique et de la France. Ce n’est ni une médiation ni même une tentative un peu précise de conciliation ; il y a eu tout au plus quelque démarche intime, quelques paroles de lord Clarendon pour engager la Belgique à ne rien brusquer, à se prêter aux concessions compatibles avec son indépendance. Sans prétendre que l’Angleterre d’aujourd’hui se désintéresse absolument de tout ce qui peut se passer sur le continent, et qu’elle pousse la passion de la neutralité au point de ne rien faire dans aucun cas, on peut dire qu’elle n’est vraiment pas pressée de s’aventurer dans ce fourré de questions épineuses où se démène la politique européenne. Elle laisse à la diplomatie continentale ses casse-tête chinois ; elle voit passer sans trop s’émouvoir les incidens et les querelles qui font beaucoup de bruit pour rien. Tout récemment un des journaux les plus intelligens de Londres, le Spectator, s’efforçait de battre le rappel et de prouver que l’Angleterre n’était pas aussi indifférente qu’elle le paraissait ; elle n’est peut-être pas indifférente, on peut être bien sûr qu’elle ne serait pas infidèle à un intérêt évident ; elle est du moins peu active, elle a peu de goût pour les imbroglios européens qui ne la touchent pas directement, et la carte à payer de la dernière expédition d’Abyssinie lui a donné à réfléchir sur les inconvéniens des guerres qui ne sont point absolument indispensables. L’Angleterre pour le moment est tout entière au grand acte de politique intérieure qu’elle accomplit, qui vient d’être débattu dans le parlement, l’abolition de l’église officielle d’Irlande. La seconde lecture du bill présenté par M. Gladstone a été voté à une majorité triomphale de 118 voix. Ce qu’il y a eu de plus intéressant d’ailleurs, ce n’est pas le vote, tout important qu’il soit, c’est la discussion, une discussion digne de l’Angleterre, digne de la question qui s’agitait, digne aussi des hommes qui ont eu le premier rôle dans cette virile lutte parlementaire.

Le vote, il était connu d’avance ; il était indiqué par les élections d’où est sorti le parlement actuel. Ce qu’il y a de frappant, c’est que ceux qui ont eu la victoire numérique dans les hustings ont vaincu aussi devant le parlement par la raison, par l’autorité d’une grande et libérale mesure, même en vérité par l’éloquence. Ce n’est pas que le parti tory ait cédé le terrain sans combat : il a réuni après tout 250 voix qui, fortement disciplinées sous un chef habile, peuvent donner de la besogne à