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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/871

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l’évêque, défenseur zélé des prérogatives de l’église, rappelle que l’empereur a promis d’exécuter le concordat, tandis que maintenant il sanctionne des lois qui sont en opposition formelle avec ce traité. Il ajoute que les lois civiles n’ont pas de force obligatoire, et qu’on n’est pas tenu d’y obéir quand elles sont contraires aux principes de la religion. Le prélat proclame ouvertement qu’il se verra forcé de combattre toute loi contraire aux dogmes de l’église, attendu qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Dans une circulaire du 23 juin 1868, il donne des instructions à son clergé, et s’exprime à peu près dans les mêmes termes. Malgré le ton séditieux de ces publications, et quoiqu’on pût y voir peut-être un appel à la révolte contre la loi, le gouvernement ne songea point à sévir. Seulement il y eut un moment où la justice dut intervenir. D’après les nouvelles lois confessionnelles, le clergé était obligé de délivrer à l’autorité civile les actes matrimoniaux dont il avait eu jusque-là le dépôt exclusif. Beaucoup d’ecclésiastiques, l’évêque de Linz entre autres, se refusèrent à obéir. Il fut condamné à l’amende ; mais il alla en appel, et invoqua l’immunité des évêques, consacrée par le concordat conformément au canon V de la session 24 du concile de Trente. On opposa à l’évêque que le pouvoir civil, se souvenant des cas si fréquens où le clergé excitait le peuple à la révolte, avait pris certaines mesures de précaution dans un article secret ainsi conçu : « Bien que sa majesté soit convaincue qu’aucun évêque ne prendra jamais part à des projets qui menaceraient la tranquillité publique, l’empereur est obligé de se réserver, pour le cas où, — ce que Dieu veuille empêcher ! — un évêque se rendrait coupable du crime de lèse-majesté ou de haute trahison, le droit de prendre, même avant de s’être entendu avec le saint-siège au sujet des poursuites judiciaires à intenter, les mesures nécessaires pour assurer la tranquillité de l’empire, sans préjudice toutefois des dispositions de l’article 14. » Les journaux catholiques ont fait remarquer avec raison que cet article secret donnait seulement le droit de prendre des mesures de sécurité, non de mettre un évêque en jugement, que d’ailleurs il pouvait être invoqué seulement pour réprimer la haute trahison, non pour un délit correctionnel comme celui qui donnait lieu aux poursuites contre l’évêque de Linz, que, le concordat n’étant pas aboli, l’article 14 devait être respecté. Il faut l’avouer, si l’on s’en tient à la lettre, ce raisonnement est sans réplique. Malgré cela, le jugement du premier tribunal a été confirmé, et dans toutes les provinces de l’empire les évêques et les prêtres qui refusaient d’obéir à la loi ont été condamnés à de fortes amendes. Les juges ont estimé que dans l’Autriche régénérée ce sont les décisions du pouvoir législatif et non les canons du concile de