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devoirs reçoivent leur exécution. » Ainsi un vicaire de paroisse porte un costume ou émet une doctrine qui déplaît à l’évêque. Aucune loi civile dans aucun pays ne punit un fait semblable comme un délit. N’importe, si l’évêque condamne le prêtre à être enfermé dans un in pace[1], le pouvoir laïque est tenu de mettre cet arrêt à exécution. Il est de maxime universelle que tout délit doit être spécifié, et que la peine doit être arrêtée d’avance. Ici point. L’autorité épiscopale crée le délit postérieurement, et le frappe de la peine « qu’elle juge convenable. »

« Eu égard aux circonstances, » le pape permit que les causes civiles des clercs et les crimes et délits ordinaires commis par eux seraient déférés au juge civil ; mais, conformément aux décisions du concile de Trente, les évêques ne pouvaient être soumis à la même juridiction. On peut conclure de cet article que, si les circonstances étaient plus favorables, le clergé tout entier serait soustrait à l’action répressive des tribunaux laïques. C’est en effet ce que décide le concordat du 22 avril 1853 conclu avec la république de l’Équateur, et qui permet de saisir, mieux encore que le concordat autrichien, le régime dont le saint-siège poursuit partout la mise en pratique. D’après l’article 8, « seront déférées aux seuls tribunaux ecclésiastiques toutes les causes qui concernent les ecclésiastiques, soit pour leurs intérêts civils, soit pour des délits qui tombent sous le coup de la loi pénale. Le magistrat civil assurera l’exécution de tous les jugemens rendus par les ecclésiastiques, ainsi que l’infliction des peines édictées, par tous les moyens qui seront en son pouvoir. » Ici du moins le système est consacré dans son entier, sans les exceptions auxquelles l’église avait dû consentir en 1855, eu égard à certaines défiances de l’esprit joséphite, non encore complètement extirpé en Autriche.

Les dispositions du concordat autrichien sur l’immunité des évêques donnent lieu en ce moment à une difficulté grave. Aussitôt après l’adoption des nouvelles lois confessionnelles par le parlement cisleithanien, l’évêque de Linz, M. Rudigier, crut devoir publier une lettre en réponse à la circulaire du ministre de l’intérieur au sujet de l’agitation cléricale. Dans cette pièce, que le journal catholique le Volksfreund nommait un modèle de franchise apostolique,

  1. Voici, entre antres, un fait qui prouve qu’on peut sans exagération parler d’in pace. À Prague, un moine de l’ordre de Saint-Jean-Baptiste, nommé Borczenski, peu édifié des scènes auxquelles il avait assisté depuis dix-sept ans, s’enfuit du couvent en 1855, passa en Prusse et s’y fit protestant. Étant rentré en Autriche quelque temps après, il fut arrêté en Moravie et livré à l’autorité ecclésiastique, qui l’enferma dans un cachot infect, à côté d’un autre moine accusé d’hérésie et nommé Zazule. Privés de livres, presque de nourriture, ils furent soumis aux plus durs traitemens, par charité sans doute et afin de les retirer de la voie de perdition où ils s’étaient engagés.