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suifs, les cuirs, ne viennent plus aujourd’hui qu’après le pétrole dans le mouvement général de l’exportation. Pour se rendre un compte exact des circonstances physiques et des forces de l’ordre moral qui ont concouru à produire ce résultat, rien ne vaut un séjour prolongé aux lieux mêmes où il s’est accompli. La puissance des formations géologiques, la trempe des caractères, s’y montrent en parfaite harmonie. Sur un espace comme la vallée d’Oil-Creek, plus petit que tel département français, l’on peut voir à l’aise, peut-être mieux que sur aucun autre point de la terre, ce que produit la volonté humaine servie par des circonstances naturelles favorables. Au fond, c’est bien l’image, en raccourci, mais très accentuée, de ce que l’on peut observer d’un bout à l’autre de l’Amérique septentrionale. Les richesses que la nature a mystérieusement accumulées durant des siècles en ces contrées, l’homme les exploite aujourd’hui avec une âpre et juvénile ardeur. Une Europe nouvelle se forme là-bas à vue d’œil, et déjà le courant d’échanges établi entre les deux continens va s’élargissant sans cesse au profit des opiniâtres travailleurs de la grande république.

Dans le Nouveau-Monde, le pétrole a été également signalé aux grandes et aux petites Antilles, ainsi qu’au Mexique ; mais ce n’est qu’aux États-Unis et au Canada qu’il fait l’objet d’une exploitation réguhère, et là même cette exploitation est concentrée sur trois points situés à l’est du Mississipi, — la péninsule du Haut-Canada, la vallée d’Oil-Creek en Pensylvanie, la vallée de la Petite-Kanawha dans la Virginie occidentale. Il y a du pétrole en abondance dans l’Ohio, dans les états de Missouri, d’Indiana, de Kentucky, de Tennessee, bien que les exploitations n’aient pu réussir encore à s’y établir sur une grande échelle. Ce n’est pas seulement l’épaisseur plus grande des terrains superficiels recouvrant les réservoirs de pétrole qui est un obstacle au développement de cette richesse naturelle. Pour tous ces pays, il y a une cause d’infériorité momentanée dans ce seul fait, que la production des trois bassins principaux suffit aux besoins de la consommation. Le pétrole n’est sérieusement utilisé jusqu’à présent que pour l’éclairage par lampes à mèche et pour le graissage des machines. La situation changerait, si l’éclairage par les lampes à gaz, le chauffage des chaudières, d’autres applications encore que l’on entrevoit dès aujourd’hui, entraient dans la pratique industrielle. Le pétrole brut demeure aussi forcément inexploité dans des contrées comme le Texas, l’Utah, le Colorado, où l’insuffisance des routes rend trop coûteux le transport des engins nécessaires. Il n’y a là toutefois qu’une question de temps ; tôt ou tard, ces pays fabriqueront chez eux l’outillage qui leur manque. La Californie possède de vastes étendues de terrains