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appliquées au chauffage : l’avenir des pétroles du Canada est même là tout entier ; dans cette application, ils reprennent l’avantage. L’huile légère de Pensylvanie, incomparable dans les raffineries, où l’on en tire 75 et 80 pour 100 d’huile de lampe de première qualité, serait le plus dangereux de tous les combustibles à cause des mélanges détonans qu’elle produit avec l’air à la température ordinaire. Les expériences de M. Henri Sainte-Claire Deville ne laissent aucun doute à cet égard : les seuls combustibles liquides convenables sont les huiles lourdes, heureusement répandues plus près du sol que les huiles légères. Il n’est donc pas impossible que le pétrole canadien parvienne à se substituer à la houille. Il faut ajouter que le charbon fossile manque entièrement dans les terrains du Canada, tandis qu’il abonde en Pensylvanie et dans la Virginie occidentale : la plupart des bateaux à vapeur sillonnant les grands lacs sont obligés à de fréquens arrêts pour embarquer leur provision de bois de chauffage. D’ailleurs le bois est le plus encombrant et le plus cher des combustibles. Les essais du steamer Congress à Détroit, entre le lac Huron et le lac Érié, viennent de montrer que l’emploi du pétrole canadien économise la moitié de la dépense et les neuf dixièmes de l’emplacement qu’exige le chauffage au bois. Cependant l’appareil de combustion décrit au procès-verbal de ces essais était défectueux à plusieurs égards.

Un autre avantage en faveur des huiles canadiennes, c’est que les gîtes sont partout à proximité de quelque port d’embarquement. Le principal de ces ports est Sarnia, extrémité méridionale de la plus grande voie ferrée du Canada, le Grand-Trunk railway. Sarnia est aussi le point d’arrivée d’un embranchement du chemin de fer américain Great-Western, qui relie l’état de New-York à l’état du Michigan. Située dans la vallée de la Thames, à l’est de Sarnia et au centre même de la péninsule, London est la métropole commerciale du riche pays à peine ouvert à la colonisation qui s’étend au sud-ouest du lac Ontario : les hommes d’huile qui ne sont pas obligés de résider nuit et jour sur leurs exploitations viennent coucher le soir dans cette ville, où ils trouvent une société nombreuse avec tout le luxe des grandes cités anglaises. Les principaux centres d’extraction du pétrole canadien sont Oil-Springs et Petrolia, Belle-Rivière, Tilsonburg, Bothwell ; mais d’année en année la production a considérablement diminué.

Les premières tentatives dans le comté de Lambton remontent à l’année 1857. L’un des savans attachés au Geological survey du Canada avait signalé depuis longtemps dans la vallée de Bear-Creek, ruisseau de l’Ours, l’existence d’un vaste dépôt de poix naturelle, épais de plus d’un demi-mètre et recouvrant à peu près le quart d’un hectare. Une compagnie s’organisa pour fabriquer de l’huile