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sur les rivages des mers primitives aurait engendré les huiles minérales par un procédé de distillation en vase clos rappelant tout à fait celui qui produit le gaz inflammable des marais. Cette hypothèse explique fort bien la présence de l’eau salée dans presque tous les puits américains : les cavités des roches qui servirent de sépulture à ces organismes rudimentaires ont dû emprisonner aussi les eaux de la mer. En Europe, sur cette terre que les forces éruptives ont tant secouée, une école de géologues et de chimistes illustres, s’appuyant sur des rapprochemens très remarquables entre les divers gîtes de sel, de soufre et de bitume, attribue au pétrole une origine franchement éruptive. L’exposé des beaux travaux que ce problème si neuf a suscités mériterait une étude à part. Au point de vue pratique, il n’est point indifférent sans doute que les huiles minérales soient ou non d’origine éruptive. S’il est vrai qu’elles proviennent de l’intérieur de la terre, qu’elles s’y forment sans cesse au moyen de réactions purement minérales analogues à celles que nous réalisons dans nos laboratoires, l’approvisionnement de ces matières est assuré pour toujours. Si elles représentent au contraire des dépôts isolés comme le charbon ou les filons métalliques, on doit craindre que ces réserves ne soient un jour épuisées. Cependant, même en acceptant cette dernière supposition, il n’y a pas lieu de concevoir des alarmes sur l’appauvrissement des gîtes pétrolifères. On a calculé que le poids de l’huile amenée au jour en Amérique pendant sept années consécutives, de 1860 à 1867, représente la production de houille du bassin du Pas-de-Calais pendant une seule année. En volume, les quantités extraites ne dépassent guère les dimensions d’un édifice comme Notre-Dame de Paris. C’est une fraction insignifiante et à peine égale à ce que contient un seul amas de bitume solide tel que celui de Raguza, en Sicile. Voilà ce que nous avons ravi à la puissante nature. Ce qui est plus frappant, ce sont les progrès rapides dont les besoins industriels et les efforts qu’ils déterminent deviennent la source dans toutes les branches du savoir humain. Nous avons déjà vu la science pure, venant éclairer les premiers pas de l’industrie nouvelle, faire sortir de quelques recherches de laboratoire un mouvement commercial prodigieux ; nous voyons aujourd’hui le développement naturel de cette industrie conduire les esprits à poser des questions plus hautes à la science, et cette dernière recueillir patiemment les faits à l’aide desquels elle pourra sans doute un jour apporter une satisfaction de plus à ceux qui ont mis en elle toute leur confiance.


FELIX FOUCOU.