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Montenotte trouva Pie VII rentré dans la tranquille possession de lui-même, mais non moins décidé que la veille. « Il m’a répondu que son parti avait déjà été pris, qu’il n’en changerait pas, qu’il avait fait un premier bref, qu’il s’y tenait et n’en ferait pas un second[1]. »

Avec une ardeur de zèle dont il pensait qu’on lui saurait gré à Paris, M. de Chabrol insiste encore.


« Avez-vous d’ailleurs bien cherché à vous convaincre ? Vous n’avez pas voulu entrer en discussion avec MM. les évêques, qui se sont efforcés de connaître en quoi votre conscience pouvait être blessée, et qui s’en retournent avec la plus vive douleur, obligés de dire à leurs troupeaux que vous les abandonnez sans vouloir ouvrir l’oreille à la voix de leurs pasteurs. Comment cette conduite n’exciterait-elle pas les plaintes de toute la chrétienté ? Il est de mon devoir de vous faire observer que ces plaintes deviendront aussi fortes qu’universelles, et qu’on finira par souhaiter et réclamer que sa sainteté se démette pour le bien de tous. Sans doute, c’est ce que le devoir lui prescrit, quand elle ne peut vaincre des scrupules qui n’intéressent qu’elle. Il m’a répondu aussitôt que, quelque chose que l’on pût faire, il ne se démettrait jamais[2]


Le lendemain, 23 février, M. de Chabrol, toujours infatigable, recourut à un nouveau moyen.


« On a fait parler les gens de la maison, qui, ayant espéré un changement de position, voient avec d’autant plus de regret sa détermination qu’ils savent qu’elle est contraire à l’opinion unanime de ceux qui l’ont approché ; mais leurs efforts ont été vains. Le pape a même refusé de les entendre…. N’ayant plus aucune espérance de l’ébranler dans ses refus, je me suis rendu ce matin chez le pape pour lui faire la notification prescrite. Le pape a d’abord employé tous ses soins à détourner la conversation en me parlant du voyage des cardinaux et de celui de la députation ; mais enfin, l’ayant prié d’une manière positive de vouloir bien m’entendre, je lui ai mis sous les yeux l’état des choses : je lui ai fait savoir de quelle responsabilité il se chargeait en opposant son avis personnel à celui de tout le clergé et de tous ceux qui l’avaient approché. Je lui ai montré les regrets qu’il aurait sur les conséquences qui suivraient son refus, et les reproches qu’il encourrait de la part de ses successeurs ; mais mes efforts n’ont pu l’émouvoir, et il s’est toujours retranché derrière cette idée que Dieu interviendrait dans la décision de ses affaires. Voyant alors que rien ne pouvait le vaincre, je lui ai dit que je remplissais le devoir qui m’était prescrit en lui notifiant que, son bref n’ayant pas été ratifié, l’empereur regardait les concordats comme

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 21 février 1812.
  2. Ibid.