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abrogés, et ne souffrirait plus que le pape intervînt en rien dans l’institution canonique des évêques. Je lui ai répété cette même notification en italien et lui en ai développé toutes les suites. Je l’ai alors quitté en lui annonçant que, si avant le départ du courrier la réflexion faisait naître chez lui quelques résolutions raisonnables, c’était le seul moment qui lui restait pour terminer heureusement ce grand procès. J’ai chargé M. le docteur Porta de lui répéter cette même observation à l’heure de son dîner ; mais je n’espère rien de ce dernier effort, car le pape en me quittant m’a renouvelé l’assurance qu’il était affligé du résultat, mais qu’il ne changerait pas[1]. »


Tout était désormais accompli. Il ne restait plus à M. de Chabrol qu’à rédiger le procès-verbal de la notification qu’il venait de faire au pape. Nous nous trompons. D’autres instructions lui avaient été envoyées en ce qui regardait la personne même du saint-père. Pendant tout le temps que les cardinaux et les évêques de la députation étaient demeurés à Savone, Pie VII avait joui d’une sorte de liberté relative, en ce sens que les communications avec lui étaient devenues journalières et faciles, et qu’on lui avait permis de consulter des livres, de tenir une plume, de prendre et de dicter des notes sur les matières théologiques, qui l’intéressaient si fort. Ces complaisances ne devaient pas être continuées plus longtemps. M. Bigot de Préameneu avait, sur les injonctions de l’empereur, pris ses précautions pour que ce désordre cessât. Il avait, dès le 28 janvier, fait parvenir à M. de Chabrol une lettre qui portait en tête ces mots soulignés : pour lui seul[2]. C’était afin de ne pas laisser ignorer au ministre des cultes qu’il avait pris soin d’exécuter cette partie de ses instructions que, reprenant les termes mêmes de la dépêche ministérielle du 28 janvier 1812, M. de Chabrol terminait la lettre que nous venons de citer par ces paroles significatives : « J’ai l’honneur d’annoncer à votre excellence que, conformément à ses ordres exprès, tout est rentré à Savone dans le même ordre qu’avant l’arrivée de la députation[3]. »


III

Telle avait été l’issue de la négociation entreprise à Savone par l’ordre de Napoléon, grâce à l’entremise d’un certain nombre de princes de l’église romaine et de quelques-uns des plus considérables évêques de France. Elle se terminait, après six mois d’orageux débats, par un redoublement de rigueurs et une plus sévère

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 23 février 1812.
  2. Le ministre des cultes au préfet de Montenotte, pour lui seul, 28 janvier 1812.
  3. M. de Chabrol au ministre des cultes, 23 février 1812.