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les troupes anglo-françaises débarquèrent, elles ne trouvèrent qu’une ville vide. Les fortifications furent rasées jusqu’au niveau du sol. C’était de bonne guerre ; mais, ce qui est regrettable, quelques édifices publics furent incendiés, par accident sans doute. Un peu plus tard, l’escadre alliée apparut devant Sitka ; voyant que le port était vide et que la ville n’était pas défendue, elle repartit sans commettre aucun acte d’hostilité[1].

L’Amérique russe et le Kamtschatka ne sont pas des contrées dont les annales puissent être bien remplies. Pendant les dix années qui suivirent la guerre de Crimée, il n’en fut plus question, sauf dans quelques rares récits de voyages ou dans les comptes-rendus des compagnies commerciales qui en exportaient les produits. Toutefois les citoyens de la Californie commençaient à porter leur attention de ce côté. En 1865, la plus puissante des compagnies télégraphiques américaines conçut l’idée d’établir une communication télégraphique entre l’ancien et le Nouveau-Monde par la voie du détroit de Behring. Cette opération aventureuse était entreprise par la Western union telegraph Compagny, société qui est constituée avec un capital de 40 millions de dollars, et dont le réseau, déjà immense, va de Terre-Neuve à la Nouvelle-Orléans, et de New-York à San-Francisco. La compagnie dont il s’agit venait de créer un télégraphe entre le Missouri et le Pacifique à travers les déserts de l’Utah, les neiges des Montagnes-Rocheuses et les territoires du Colorado occupés par des tribus hostiles. Avant que ce long travail ne fût achevé, les gens timides prétendaient que c’était un projet impraticable, chimérique, que de vouloir étendre le télégraphe jusqu’en Californie. Ce projet était réalisé, et comme les actionnaires retiraient un profit net de 600 pour 100 sur les sommes qu’ils y avaient consacrées, on ne doutait plus de rien. D’ailleurs il n’existait pas encore de câble sous-marin entre l’Irlande et Terre-Neuve ; on manquait de communications rapides entre l’Europe et l’Amérique. Les citoyens de l’Union avaient peu de confiance dans le succès de la télégraphie océanique. Avant d’avoir fait aucune étude préliminaire des obstacles que cette entreprise pouvait rencontrer, ils formèrent une société au capital de 10 millions de dollars pour l’établissement d’un télégraphe transcontinental par le détroit de Behring. Les hommes d’expérience se doutaient bien qu’il y aurait de grosses difficultés d’exécution, et que ce télégraphe, fût-il exécuté, serait d’une utilité médiocre aux négocians de Liverpool et de New-York à cause de l’énorme longueur du trajet ; mais les

  1. Voyez, sur ces deux expéditions contre Petropavlosk, Une Campagne dans l’Océan-Pacifique, par M. Ed. du HaiHy, — Revue du 1er août et du 1er septembre 1858.