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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1869.

Le rideau est tombé sur la dernière scène des élections de 1869, l’épilogue lui-même a dit son dernier mot. Après le scrutin décisif du 24 mai, les ballottages du 7 juin sont venus compléter l’œuvre commencée, classer définitivement les vaincus et les vainqueurs. Ces ballottages, à vrai dire, n’ont pas trompé les prévisions qu’on avait conçues d’après les données du premier vote ; ils ne changent pas sensiblement la proportion des forces parlementaires telle qu’elle était apparue d’abord à travers la fumée du combat ; ils laissent l’opposition de toutes nuances avec trente voix de plus, le gouvernement avec un contingent nouveau ajouté à son armée et laborieusement recruté dans les provinces. À Paris seulement, les ballottages du 7 juin ont eu et devaient avoir une importance exceptionnelle ; ils ont montré après tout que les plus courtes excentricités sont les meilleures, et que lorsque la raison publique se trouve carrément placée en face d’une situation nette, ayant à choisir entre M. Thiers et M. d’Alton-Shée, entre M. Jules Favre et M. Henri Rochefort, elle n’hésite pas longtemps. C’est déjà trop pour la bonne renommée d’une ville comme Paris d’avoir assisté pendant quelques semaines à ces grotesques compétitions entre des candidatures si parfaitement inégales, et d’avoir dérouté un moment par d’apparentes incertitudes ceux qui ont la bonhomie de considérer les intérêts de la liberté comme une chose sérieuse. Paris a fait son devoir, il a rouvert les portes du corps législatif à M. Thiers et à M. Jules Favre, et ceux qui ont provoqué cette étrange lutte n’ont rien négligé en vérité pour relever la signification d’un vote qui est une victoire du bon sens public encore plus que le triomphe d’une opinion ; ils ont assez prévenu la bonne et redoutable ville que, si elle ne prenait pas leurs candidats, elle allait se démentir, elle allait rétracter son vote, du 24 mai et trahir la démocratie.