Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/1039

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naissait la pensée d’en finir de toutes ces divisions, et de là cette dernière modification ministérielle qui, à côté : du général Ménabréa et de M. Cambray-Digny, faisait entrer dans le cabinet un des chefs des dissidens piémontais, M. Ferraris, un membre distingué du tiers-parti, ancien lieutenant de Garibaldi en Sicile, M. Mordini, et un des personnages les plus éminens de l’ancienne droite, M. Minghetti.

C’était la victoire d’un véritable esprit politique, d’un sens pratique supérieur, sur des intérêts ou des susceptibilités secondaires. De cette façon, l’éparpillement des opinions cessait, la lutte entre les partis se simplifiait, la majorité, ralliant toutes les fractions dissidentes, se reconstituait dans son intégrité, et le ministère fortifié, mieux assis, pouvait d’une main plus énergique et plus sûre entreprendre la réorganisation administrative et financière du pays, en commençant par soutenir d’un commun effort les plans exposés, il y a deux mois, devant le parlement par M. Cambray-Digny. C’était là l’avantage des derniers changemens ministériels. On pouvait croire du moins qu’on en avait fini pour quelque temps avec les embarras parlementaires nés du fractionnement ou des antagonismes arbitraires des opinions. Point du tout ; il se trouve que la question n’est pas aussi complètement résolue qu’on l’avait imaginé d’abord, On s’est aperçu bientôt que, si la pensée d’une reconstitution du ministère fondée sur le rapprochement des partis était juste, elle n’avait peut-être pas été réalisée dans les meilleures conditions et à l’heure la plus opportune, que les malaises n’avaient fait que se déplacer. Le sens des derniers changemens n’a pas été entièrement compris, et c’est maintenant le tour de l’ancienne majorité ministérielle de n’être qu’à demi satisfaite du rôle qu’on lui a donné dans ces évolutions du pouvoir. Il y a eu, en un mot, un certain ébranlement qui n’a pas tardé à se traduire en difficultés inattendues, et la plus grave de ces difficultés s’est élevée justement à propos du système de M. Cambray-Digny, qui était resté le programme du cabinet renouvelé.

Lorsque M. Cambray-Digny déroulait ses plans financiers devant le parlement au mois d’avril, il procédait à grands traits, il exposait l’ensemble d’une situation très difficile, très complexe, qui ne pouvait s’améliorer qu’avec le temps, dans l’espace de cinq ou six années, et qui nécessitait dès aujourd’hui l’emploi d’un certain nombre de moyens pratiques pour arriver au rétablissement assez prompt du paiement en numéraire et à l’extinction graduelle du déficit. Il restait à connaître les moyens pratiques que le ministre italien tenait en réserve. M. Cambray-Digny vient de les révéler aux chambres en leur présentant trois conventions qui ne forment qu’un tout et qui sont pour ainsi dire les ressorts essentiels de son système. L’une de ces conventions transfère, comme en Angleterre, le service de la trésorerie à la Banque nationale ; en autorisant cette banque à augmenter son capital et en lui imposant des conditions de garantie. Un second traité sanctionne simplement la fusion de la Banque