sur les habitans esclaves, la dictature qui gêne les habitans libres et le monopole qui entrave la production coloniale. En second lieu, l’obstacle à ces réformes n’est pas à La Havane, il est à Madrid. Ce fait ne peut plus être contesté. Il a été rendu évident par la conduite de l’ancien gouvernement pendant l’enquête ouverte à Madrid en 1865 et close en 1867. Dans un rapport du 25 novembre 1865, le ministre d’outre-mer, M. Antonio Canovas del Castillo, avait proposé à la reine Isabelle de nommer une commission d’enquête chargée d’examiner « l’ordre politique et administratif, la situation économique des Antilles, en même temps que d’autres questions plus épineuses encore relatives aux conditions du travail et de la population. » Cette commission fut composée de vingt-deux délégués des communes des îles, de tous les sénateurs qui se rattachent aux colonies par leurs intérêts, des principaux personnages qui les ont gouvernées, et de vingt-deux membres nommés par la reine. On le voit assez, les délégués des colonies s’y trouvaient en faible minorité ; mais du moins furent-ils nommés dans des conditions régulières ? D’après l’ordre royal, les bases de l’élection devaient être les mêmes que pour la nomination des conseils municipaux dans les colonies. Or la loi composait le corps électoral des plus forts contribuables en nombre quatre fois plus grand que celui des conseillers municipaux à élire, et elle divisait les électeurs en trois groupes, les propriétaires, les industriels et commerçans, les professions et les capacités. Le capitaine-général créa de son plein gré une division différente en vertu de laquelle les industriels et les commerçans, intéressés au monopole et à la traite, gagnèrent dix-neuf voix, enlevées à la propriété et aux capacités. La catégorie privilégiée ne comptait pourtant dans la population libre que pour un septième. La municipalité de La Havane protesta ; elle fut réprimandée. Malgré ces irrégularités, les délégués élus étaient presque tous partisans des réformes.
La commission tint sa première séance le 30 octobre 1866 à Madrid. Le ministre et le président, M. Alexandre Olivan, rappelèrent à la junta qu’elle avait à examiner trois questions, la première politique, la seconde sociale, la troisième économique, et ils promirent que chaque membre recevrait trois questionnaires sur chacun de ces sujets bien distincts, institutions politiques, régime du travail et de l’immigration, système des impôts et des tarifs, indiqués par des articles séparés dans le décret royal qui ordonnait l’enquête. Quelle ne fut pas la surprise des membres de la commission ! Ils ne reçurent aucun questionnaire politique, aucun questionnaire économique ; on leur remit simplement un programme composé de vingt-six questions sur les moyens d’améliorer la condition des esclaves et de favoriser l’immigration européenne ou chinoise, sans qu’un