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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1869.

Le corps législatif vient de mourir doucement, tranquillement, selon toutes les règles constitutionnelles. Il était déjà mort, à vrai dire, le jour de la clôture de la session : le président avait fait son épitaphe dans un discours des mieux tournés, propre à flatter tout le monde ; le décret de dissolution vient de l’ensevelir définitivement. Il avait épuisé dans un suprême effort ce qui lui restait de vitalité, il a fini en bavardant un peu, en s’égarant dans toute sorte de propositions de chemins de fer et d’améliorations locales visiblement suggérées par l’approche des élections. Le dernier acte du corps législatif a été le vote de cette loi un peu inattendue sur les pensions militaires, qui n’est que l’exécution d’une volonté impériale révélée à la veille même de la clôture de la session. Elle a été enlevée, cette loi, au pas de charge, presque sans discussion, avec un aplomb de vieille garde se précipitant sur l’ennemi, c’est-à-dire sur le budget. On a voulu célébrer le prochain centenaire de Napoléon en récompensant ceux de ses anciens compagnons de guerre qui survivent encore, et le corps législatif s’est hâté de faire honneur à la lettre de change tirée par le souverain sur sa générosité dévouée, il s’est exécuté sans murmurer. Certes il ne peut venir à l’esprit de personne de marchander une obole à ces vieux braves, ils ont bien droit à cette opulence de 250 francs de rente qu’on assure à leurs derniers jours. Ils ont été les acteurs obscurs d’une grande époque, les héroïques complices de toutes les gloires et les premières victimes des revers que la politique de leur chef a infligés à leur courage. Vainqueurs ou vaincus, ils ont porté sans fléchir le drapeau de la France ; beaucoup sont restés misérables, n’ayant pour vivre qu’un chétif secours. C’est donc une justice tardive due à de vieux services, et nous ne méconnaissons pas ce qu’il peut y avoir de touchant dans cette pensée de célébrer l’anniversaire de la naissance de Napoléon par un bienfait en faveur de ceux qui l’ont