Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rapprocheraient, ils uniraient leurs efforts, ils marcheraient sous un même drapeau d’émancipation légale. C’est la politique la plus simple, la plus droite, la plus pratique, celle à laquelle se rattachent bien des esprits. Malheureusement, au lieu de se rallier à cette politique et de s’unir, il y a des partis qui semblent dévorés du besoin de se diviser, de se déchirer, et ce qu’ils ont trouvé de mieux jusqu’ici, c’est la multiplicité confuse, l’excentricité assourdissante des candidatures. Au fond, dans cette lutte qui commence, ce qui fait la vraie force du gouvernement, c’est ce déchaînement des partis qui rentrent en scène avec leurs vieilles passions, leurs vieilles animosités et leurs vieux programmes. La démocratie extrême en particulier, il faut l’avouer, joue un rôle étrange ; elle fait ce qu’elle peut énergiquement, inexorablement, pour jeter le trouble dans les élections, au risque de précipiter le suffrage universel dans une voie sans issue, ou d’exposer le pays à être aplati de nouveau sous quelque recrudescence de compression. Les déclamations socialistes des réunions publiques avaient déjà merveilleusement commencé cette œuvre ; les journaux démocratiques la continuent, et en vérité ils ne cachent même pas qu’ils préfèrent encore le succès des candidatures officielles au succès des candidatures libérales. Pour eux, le libéralisme est l’ennemi, et cependant, s’il y a une espérance, elle n’est que là, dans cette masse de sentimens droits, honnêtes, libéraux, qui sont en quelque sorte la substance morale de la France, l’essence de son tempérament politique. Le danger seulement, c’est que des passions contraires, des excès d’opinion, en viennent à obscurcir cette situation, à troubler ou à décourager ces instincts toujours prompts à se réveiller.

Les élections prochaines, qui ne se préparent pas le mieux du monde, il faut bien en convenir, ramènent involontairement à ces élections d’un autre temps, celles de 1827, que M. Duvergier de Hauranne raconte dans le neuvième volume de son Histoire du gouvernement parlementaire. M. Duvergier de Hauranne, malgré son mérite d’historien, n’a pas eu la fortune de plaire à l’Académie Française, qui lui a préféré hier M. de Champagny, au moment où elle élisait du même coup M. le comte d’Haussonville et l’auteur des Iambes, M. Auguste Barbier. L’historien du gouvernement parlementaire ne s’en porte pas plus mal sans doute, et le volume nouveau qu’il vient de publier, à part sa valeur littéraire, a un à-propos tout politique à la veille des élections ; il est un enseignement par le saisissant tableau qu’il retrace des agitations publiques de la restauration. Alors en effet il s’agissait aussi d’une lutte décisive, où la France avait à vaincre légalement une administration qui avait abusé du pouvoir. Toutes les opinions indépendantes s’alliaient dans le combat, le feu du libéralisme animait les esprits, le patriotisme faisait taire toutes les dissidences. La victoire répondit à cette union de tous les sentimens libéraux. Aujourd’hui c’est par les divisions qu’on prélude aux élections. Non, ici encore, il n’y a malheureusement aucun progrès ;